Une chronique politique sans parti pris

Au rendez-vous des calamités

 

 

L’intitulé du titre respecte les normes de la bienséance, mais Jacques Chirac a exprimé  bien mieux la même constatation sous une forme plus imagée, populaire et parlante : « Les emmerdes volent en escadrille ». Le jour où un quidam perd son emploi, il découvre que sa femme le trompe, qu’il a le hoquet et que le frigo est en panne.

Ainsi en va-t-il de l’actualité. Non seulement l’épidémie joue les prolongations, mais la transition climatique multiplie les inondations, la Bourse s’effondre, Poutine menace d’une guerre et une pénurie d’électricité se profile. Quand le monde se détraque, il ne fait pas dans la nuance. Il surjoue parfois le tragique au point que cela en devient risible. Il essaie de se rendre intéressant.

L’unanimité de la Nature est bien une réalité. Jadis dans les églises on organisait des prières à la fois contre la guerre, la famine et la peste, tant on constatait leur coïncidence. Et c’est vrai qu’une guerre et une peste en invalidant des travailleurs engendrent forcément une famine. Et qu’une famine affaiblit le système immunitaire et qu’elle aiguise les convoitises des belliqueux. Et que les hommes ont tendance à ajouter du malheur au malheur plutôt que de le combattre.

Guy Parmelin nous a mis doctement en garde en tant que président contre une future pénurie d’électricité, puisque les centrales nucléaires fournissent 22 600 GWh par an tandis que tous les panneaux photovoltaïques n’en produisent que 2 700 GWh. C’est évidemment un appel du pied pour prolonger l’activité des centrales prévues pour quarante ans que l’on ferait passer à soixante. Pas question d’en construire de nouvelles car elles viendraient trop tard et le peuple objecterait. Ce ne fut pas non plus un encouragement à installer des panneaux solaires. Ainsi va la Confédération. Si elle va dans le mur, on ne pourra pas dire qu’elle a fermé les yeux. Tout se passe comme si elle n’était responsable de rien, puisqu’elle ne peut rien faire sans le Parlement et que celui-ci ne puisse rien accepter que le peuple risque de refuser. Si l’on ne consent pas le pouvoir à un  gouvernement, si on se félicite de n’en pas avoir sinon en apparence, on ne peut rien lui reprocher. L’acratie est tellement confortable.

Il n’est plus guère de personne sensée pour prétendre que le réchauffement climatique n’existe pas ou qu’il ne soit pas le résultat de l’émission de gaz à effet de serre. On sait donc que l’on va devoir renoncer aux combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz. Mais comme ce dernier engendre moins de CO2, on évoque la construction transitoire de centrales à gaz pour se substituer aux centrales nucléaires. On abandonne les fossiles contraints et forcés en trainant les pieds. Car on n’a vraiment pas envie de renoncer à la vie d’aujourd’hui.

Or le fléau famine concomitant  commence à se profiler sous forme de pénurie de carburant qui augmente à la pompe et d’électricité qui accroit au compteur. L’acier renchérit et le bois et les métaux rares. Les limites à la croissance, prédites dès 1972 par le Club de Rome, deviennent une réalité tangible et, un jour, pèseront sur tous.

La seule question importante est de savoir comment notre pays va s’en tirer et comment il s’y prépare. Ou plus fondamentalement : les institutions actuelles sont-elles capables d’affronter un fléau important ? A en juger par la réplique du CF à l’épidémie, on peut émettre des doutes mesurés. On n’a pas fait tout faux mais on n’est pas dans les meilleurs. Loin de là. La moyenne mondiale de morts par million d’habitants est à 723. La Suisse est à 1456, soit le double, alors qu’elle bénéficie d’une infrastructure scientifique et médicale bien au-dessus de la moyenne. Pour comparer ce qui est comparable, Israël, la Norvège et le Danemark font nettement mieux pour ne pas parler de Taiwan avec 32 morts.

Durant la dernière guerre, la Suisse a réussi à en être épargnée. Le mérite en revient largement au général Guisan. Selon le même schéma que la République romaine, la Suisse est gouvernée à l’ordinaire par sept consuls plutôt que deux afin qu’ils se neutralisent. Mais face au risque le Parlement donne tous les pouvoirs à un homme fort. Nous sommes dans la même situation. Pour lutter contre l’épidémie on aurait pu donner la décision à un expert nommément désigné, un général sanitaire. Quand il faut prendre des décisions difficiles et impopulaires, il faut disposer de toutes les connaissances du domaine et ne pas être soumis à la volonté populaire. On doit dans l’urgence désigner un général de l’énergie et obéir à ses directives sans hargne grogne et rogne. Sinon on va construire beaucoup de centrales à gaz.

 

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