Une chronique politique sans parti pris

La pire des initiatives

 

« Lancée le 3 octobre 2017, l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès» a été déposée le 18 mars 2019, munie de 123’640 signatures valables, sur les 100’000 nécessaires. L’initiative vise à inscrire dans la  Constitution suisse de nouvelles dispositions à l’article 80 (Protection des animaux) et à en supprimer une autre à l’article 118b (Recherche sur l’être humain). »

L’initiative populaire demande l’interdiction de toute expérimentation animale. Les produits développés à l’aide d’expériences sur les animaux ne pourraient plus être importés. L’expérimentation humaine serait également interdite.

Il s’est donc trouvé 123 640 citoyens pour signer la plus absurde toutes les initiatives de ces derniers temps, pire que la folklorique interdiction des minarets. Si on continue dans cette voie, bientôt on demandera à l’école obligatoire d’enseigner que la Terre est plate et que le Soleil lui tourne autour. Cela fait partie des inconvénients de la démocratie directe qui présente par ailleurs de tels avantages qu’il vaut la peine de supporter ce genre de désagrément. Le Parlement a refusé cette initiative sans une seule voix pour la soutenir. Même l’UDC, si prompte à recruter les mécontents de toute espèce, s’est rangé dans cette belle unanimité. L’initiative sera donc probablement refusée par le peuple à une large majorité.

Revenons à l’élémentaire. Lorsqu’une nouvelle molécule est découverte qui puisse apporter quelque soulagement à une pathologie, il n’y a que trois possibilités : la mettre en vente sans expérimentation préalable ; procéder à une expérimentation contrôlée ; s’abstenir de la diffuser. C’est évidemment la troisième qui résulterait d’une acceptation de cette initiative. Il ne servirait même à rien que les pharmas délocalisent leur activité de recherche et d’expérimentation puisque l’initiative a prévu que l’on interdise l’importation. Bref la Suisse deviendrait une sorte de désert  médical où n’opéreraient plus que les homéopathes, les naturopathes, les magnétiseurs, les guérisseurs. Seraient encouragées les sectes qui refusent la transfusion ou la vaccination. Parce que le peuple est le souverain, la Suisse deviendrait la risée du monde.

Examinons les deux premières hypothèses : la molécule est utilisée avec une expérimentation préalable et contrôlée ou sans aucune. Dans le second cas il sera impossible dire si la molécule est efficace et si elle produit des effets secondaires : on aura tout de même procédé à une expérimentation sauvage sans possibilité de collecter les résultats. Ce choix s’inscrit dans la vaste conspiration de déni de la réalité qui pollue beaucoup d’esprits.

L’expérimentation est gouvernée par la loi relative à la recherche sur l’être humain, LRH) du 30 septembre 2011. Ainsi une personne ne peut être associée à un projet de recherche que si elle y a consenti après avoir été suffisamment informée (consentement éclairé). Elle doit donner son consentement par écrit ; le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions.

Et la loi les prévoit dans deux cas. Si le remède est destiné à des patients qui du fait de leur pathologie ne peuvent plus donner un consentement éclairé (Alzheimer par exemple) la nécessité d’une expérimentation s’impose néanmoins, sinon on s’embarquerait dans des traitements dont on ne connait ni l’efficacité, ni les potentiels effets dangereux. Bien entendu il faut dans ce cas s’entourer d’un maximum de précautions.

Idem pour les enfants. Si un médicament qui leur est destiné n’est pas testé au préalable, il est impossible de savoir ce qu’il vaut.

Puisque l’expérimentation humaine s’avère ainsi indispensable, a fortiori il faut autoriser l’expérimentation animale préalable pour n’engager la première qu’à bon escient.

Pour lancer une telle initiative il faut donc des esprits tout d’abord ignorants des règles élémentaires de la médecine humaine, mais aussi obsédés par le bien-être animal au point de lui sacrifier celui des humains.

On aura reconnu la secte des antispécistes. « L’antispécisme est un courant de pensée philosophique et moral, formalisé dans les années 1970 par des philosophes anglo-saxons qui défendent un renouveau de l’animalisme , et considèrent que l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on doit le traiter et de la considération morale qu’on doit lui accorder. »

C’est un choix que l’on est bien obligé de respecter s’il ne concerne que les membres de la secte qui par cohérence doivent naturellement devenir aussi véganes. Mais ce choix ne peut s’imposer à l’ensemble de la société. Libre aux membres de la secte de refuser d’être soignés par des médicaments développés récemment puisque les modifications constitutionnelles ne peuvent évidemment avoir un effet rétroactif. Ils pourront donc en toute honnêteté intellectuelle utiliser le paracétamol lorsqu’ils auront de la fièvre ou des douleurs. Tout de même : ils ne vont pas se condamner à souffrir.

Dans quel monde vivons-nous ! A côté des aberrations des antivax, des sonneurs de cloches, des défenseurs de leur liberté inconditionnelle au détriment de celle des autres, une autre absurdité est proposée à nos suffrages. Jusqu’où cela ira-t-il ? Que ferons-nous lorsque l’on nous proposera de décider que deux plus deux égale cinq. Et qu’il y aura plus de cent mille citoyens pour défendre cette thèse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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