Quelle question ! Comment être à ce point aveugle à la réalité : la seule arme contre un virus est le vaccin : depuis deux ou trois siècles on a vacciné les enfants dans le monde entier sans se poser de questions. Car pendant des millénaires, l’humanité a subi la variole, l’une des maladies les plus dangereuses au monde avec un taux de mortalité supérieur à 30 %. Pour donner suite à une campagne de vaccination mondiale menée par l’OMS, elle a été déclarée éradiquée en 1980. Ce fut une victoire de l’humanité tout entière, solidaire et éclairée, qui avait inventé le vaccin.
Néanmoins la vaccination se retrouve au centre des débats en Suisse, pays où elle suscite une certaine méfiance : 66% de vaccinés contre 71% rn France, 74% en Italie, 78% au Japon, 87% au Portugal. Le caractère obligatoire de la vaccination, tel que prévu par la révision de la Loi fédérale sur les épidémies, fait polémique. Le peuple suisse aura le dernier mot parce qu’il a tous les pouvoirs. Mais est-il informé au point de prendre une décision éclairée ?
La mobilité au niveau international, l’augmentation de l’urbanisation, les changements climatiques ont entraîné une accélération de la diffusion des maladies transmissibles. Une évolution mondiale qui n’a bien sûr pas épargné la Suisse. Ces phénomènes ont montré le besoin d’adapter les stratégies de la santé publique. Mais pour cela, il faut d’abord adapter la base légale aux exigences actuelle. C’est indispensable pour prévenir, dépister et combattre les maladies transmissibles. Comment font les autres ?
La France est une démocratie représentative où le pouvoir politique de l’exécutif peut s’exercer à plein. En plus des 3 vaccins traditionnellement obligatoires : diphtérie, tétanos et poliomyélite, viennent de s’ajouter par la loi : l’Haemophilus influenzae B (bactérie provoquant notamment des pneumopathies et des méningites), la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons la rubéole le méningocoque C (bactérie provoquant des méningites) le pneumocoque (bactérie provoquant notamment des pneumopathies et des méningites). Soit onze vaccins obligatoires. Est-ce conforme à la démocratie? Peut-on empêcher les citoyens de mourir de la maladie qu’ils ont choisie?
En revanche, la Suisse est une véritable démocratie populaire où les citoyens décident selon leur bon plaisir. L’idée d’une contrainte est impensable. On peut recommander une vaccination mais pas la rendre obligatoire. En Suisse, il n’y a actuellement aucune obligation de se faire vacciner. Les autorités ont opté pour le principe de liberté. Selon la doxa officielle, la couverture vaccinale dans les pays qui obligent leurs citoyens à se faire vacciner n’est pas beaucoup plus élevée que dans notre pays. Est-ce correct ? Deux décès liés à la rougeole ont été recensés en Suisse depuis début 2019. Environ cinquante enfants sont hospitalisés chaque année à cause d’une coqueluche, surtout des nourrissons. Cinq décès liés à la coqueluche ont été déclarés au cours des 15 dernières années. Est-ce le cas en France ? Oui, il y a environ un mort par an de rougeole, non vacciné parce que immunodéprimé. Pas de statistique pour la coqueluche.
Pour donner suite à une demande des directeurs cantonaux de la santé publique, le gouvernement a transmis au Parlement un projet de révision totale de la Loi fédérale sur les épidémies. La nouvelle loi renforce le rôle de la Confédération en matière de direction stratégique, de coordination et de contrôle. L’application de la loi reste de la compétence des cantons. Mais le point sur lequel convergent la plupart des opposants est la possibilité donnée à la Confédération de rendre une vaccination obligatoire. En fait elle n’est qu’apparente.
Car la Constitution protège l’intégrité physique de chaque individu et un vaccin ne peut se faire sous la contrainte. Le vaccin pourrait être obligatoire, mais chacun pourra refuser qu’on touche à son épaule. On ne voit du reste pas des gendarmes embarquer un récalcitrant dans une ambulance. En revanche, le passe sanitaire peut contraindre de fait à se vacciner pour pouvoir se rendre au restaurant, travailler, voyager. Le non-vacciné peut aussi être confiné comme il l’a été en Autriche.
Plus de la moitié des parents refusent la vaccination de leurs enfants et à peine un tiers en est convaincu. La Suisse reste donc le pays de la méfiance à l’égard des recommandations du pouvoir fédéral comme elle l’a toujours été. Chacun est roi chez soi. C’est à la fois précieux et dangereux. C’est cette forme extrême de dilution du pouvoir qui s’appelle l’acratie. En temps ordinaire c’est l’idéal.
Face à une menace grave, ce l’est beaucoup moins. La sainte liberté constitutionnelle du non vacciné entre en conflit avec celle du vacciné, qui désire vivre normalement en société puisque cela ne présente plus de problème pour lui. Avec celle du personnel médical obligé de faire face à des avalanches d’épidémies. Avec celle des entreprises qui désirent poursuivre leur activité.
Si le virus pouvait parler, il contredirait cela puisque l’existence d’un dixième de la population refusant le vaccin est fondatrice de sa liberté à lui. Il peut se maintenir dans ce qu’il considère comme un bouillon de culture, y engendrer des variants de plus en plus contagieux ou dangereux, réinfecter des vaccinés, poursuivre sa carrière indéfiniment. Oui, le non vacciné est le meilleur ami du virus. A un degré supérieur encore celui qui propage des fausses nouvelles. Pour prolonger sans fin les vagues d’épidémie, le meilleur ingrédient reste la bêtise. Elle ne faillira jamais.