Une chronique politique sans parti pris

Autopsie du négationnisme

 

Le terme fut créé en 1987 par   Henry Rousso pour désigner la négation du génocide des Juifs par l’Allemagne nazifiée . Le négationnisme consiste à prétendre que les chambres à gaz n’ont pas existé.  Or, ces camps ont été photographiés et visités,  ces chambres sont toujours visibles, les survivants en ont témoigné, six millions de Juifs ont été tués. Ce négationnisme signifie un déni de faits historiques à des fins racistes ou politiques.

Par la parole les négationnistes recréent l’histoire tout comme les Soviétiques la récrivaient. Même le philosophe Jean-Paul Sartre niait l’existence du goulag parce que cela dérangeait sa vision idyllique du communisme. Le négationnisme est donc une pathologie mentale affectant aussi bien la droite que la gauche, les illettrés et les intellectuels. C’est par le négationnisme qu’Eric Zemour, modeste journaliste, envisage l’élection présidentielle

Ce n’est pas non plus le monopole d’un peuple ou d’une civilisation. L’Histoire recense le  génocide arménien perpétré par le gouvernement de l’Empire ottoman  et farouchement nié jusqu’à présent par la Turquie officielle, la famine de l’Ukraine de 1932 organisée par l’URSS , le génocide des Tutsi, L’autogénocide des khmers rouge, ou encore le laogai de Chine équivalent du goulag.

Lors de l’Infrarouge de mercredi passé, on ne pouvait s’empêcher de penser à cette posture en écoutant le professeur Michael Esfeld invité par Alexis Favre, comme sceptique de service face à trois intervenants qui défendaient la politique de la Suisse face à l’épidémie. Interlocuteur particulièrement bien choisi puisqu’il pouvait se draper dans son professorat pour mettre en doute cette politique au nom des « droits de l’Homme » dont il est par métier le spécialiste. Selon lui, les effets négatifs dus aux mesures sanitaires seraient plus importants que leurs effets positifs :

” Aujourd’hui, comme après la Seconde Guerre mondiale, nous sommes à nouveau confrontés à un choix entre la liberté et le totalitarisme – entre une société ouverte qui reconnaît inconditionnellement chaque être humain comme une personne et une société fermée qui soumet l’octroi des droits fondamentaux à certaines conditions. Des défis tels que la propagation du coronavirus ou le changement climatique ne sont pas entièrement nouveaux …Pourtant, certains acteurs de la science, de la politique et de l’économie, en collaboration avec les médias, présentent ces défis comme des crises existentielles pour l’humanité….Les externalités négatives des actions libres sont exploitées de telle manière qu’en fin de compte, chaque action libre est soupçonnée de nuire à autrui. On ne peut alors se libérer de ce soupçon qu’au moyen d’un passeport de vaccination, de durabilité ou, de façon générale, d’un passeport social. L’exercice de la liberté est ainsi placé sous des conditions fixées par des experts qui réclament de posséder un savoir moral-normatif pour diriger la société. »

Ce charabia définit une autre variété d’un savoir « moral-normatif » : la philosophie permettrait de discerner à coup sûr des abus de la médecine, qui sont indiscernables par les experts de celle-ci. Ceux-ci ont eu beau répéter que la vaccination en Suisse avait épargné des morts, le philosophe ne se départit pas de sa position. Pour que son système tienne debout il fallait que toute privation de liberté soit injustifiable. Il n’est pas seul dans ce déni de réalité. Notre plus grand parti politique y adhère également dans le but de récupérer les antivax parmi son électorat.

Or, il n’est pas facile de nier la réalité. Il y faut du métier. Les ressources de la sophistique vieille comme l’Antiquité sont utilisées : tels détails ne sont pas clairs ou sont contradictoires, donc toute l’explication est fausse ; l’absence de preuves vaut preuve de l’absence des faits invoqués, etc.

Le négationnisme en matière d’épidémie bénéficie d’une riche créativité : l’épidémie n’existe pas ; ce n’est qu’une gripette (version Trump) ; elle n’est pas naturelle mais provient d’un laboratoire , elle a été délibérément fabriquée pour vendre des vaccins ; les vaccins ne servent pas à protéger ; ce sont les vaccins qui donnent la maladie ; les effets secondaires du vaccin sont pires que la maladie ; les vaccins tuent ; les vaccinés propagent la maladie parmi les non-vaccinés , le passe sanitaire ne sert à rien ; le confinement ne sert à rien ; les jeunes ne peuvent pas tomber malades, etc..

Il reste que le négationnisme soulève un problème insoluble : comment un adulte doué d’observation, de logique et de raison, parvient-il à ne pas percevoir la réalité? Celle-ci est contraignante. Si je nie la fermeture d’une porte, je ne parviendrai néanmoins pas à l’ouvrir. Nous connaissons tous des êtres frappés d’irréalisme dans la vie courante. Ils n’arrêtent pas de prendre des décisions manifestement contraires à leurs intérêts. Même certains banquiers mènent leur établissement à la faillite. Des amoureux transis sont délaissés par l’objet de leurs vœux qui ne les a notoirement jamais considérés. Des joueurs se ruinent dans les casinos qui sont organisés manifestement dans ce seul but.

Qui n’a pas été frappé en voyant Trump divaguer par son aspect infantile ? C’est peut-être le secret le plus ignoré des négationnistes. Ils n’ont jamais atteint l’âge adulte, ils ont gardé la fraicheur de l’enfance qui invente des mondes parallèles et qui y croit plus que  le monde réel, ils sont bloqués dans leur développement. Ce serait une affection mentale comme une autre. A ce titre ils méritent respect et protection. L’AI devrait leur attribuer une pension sous condition de leur silence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quitter la version mobile