Une chronique politique sans parti pris

L’enseignement d’un échec enseignant

 

 

« Quarante candidats, quarante échecs : c’est le bilan sans appel d’un examen de français à la Haute école pédagogique BEJUNE à Delémont. Deux étudiants ont choisi de témoigner : l’examen ne correspondait pas complètement à la matière enseignée. Or, la formation des enseignants généralistes demande de la part des étudiants des compétences de base en français, rappelle un responsable de cette HEP. »

Il y a dans cet échec une forme de parodie. De futurs maîtres qui ne maitrisent pas la langue française qu’ils devront enseigner et, pire, dans laquelle ils devront enseigner toutes les matières, c’est l’équivalent des pompiers pyromanes, des prêtres pédophiles, des juges prévaricateurs, de parents absents. Leur indignation naïve montre l’abîme d’incompréhension où ils sont plongés. Il n’est pas nécessaire de préparer un examen de français portant sur l’orthographe : celle-ci doit être acquise et peut être vérifiée à tout moment.

Or, une idéologie insidieuse se répand à ce sujet. Nous avons eu entre les mains un cours d’une autre HEP, portant sur la « sociologie de l’éducation » ( ?), dont un thème principal était l’influence nocive de l’orthographe. Acquise spontanément par les enfants de la classe privilégiée, qui baignent dans une langue orale correcte et un environnement de textes imprimés, elle défavorise au contraire les enfants dont les parents ne sont pas dans cette situation, en particulier les immigrés qui ne parlent pas le français. Le diagnostic est juste : si l’on n’y prend garde l’enseignement perpétue les distinctions sociales. Dès lors il existe deux remèdes : un positif consistant à encadrer plus étroitement les enfants défavorisés par des devoirs surveillés, des cours supplémentaires, des classes plus restreintes ; l’autre négatif qui consiste à décrier l’orthographe, à la négliger, voire à décréter gauchement qu’elle change sur le territoire d’un canton. C’est casser le thermomètre pour ne pas mesurer la fièvre.

On peut redouter que ce soit cette seconde attitude qui prévale. Normalement un étudiant de HEP a réussi les cycles primaires et secondaires et devrait avoir acquis une orthographe correcte. Ce n’est manifestement plus le cas. On assiste à un affaissement de la langue qui se manifeste aussi dans le vocabulaire : dire « sale » pour solde, « challenge »  pour défi, « booster » pour promouvoir, «  solutionner » pour résoudre, « garden centre » pour pépinière, etc.. La publicité mise sur les anglicismes parce que cela impressionne ceux qui ne connaissent pas l’anglais, les incultes plus manipulables que les autres.

Or, l’enseignement est financé par l’argent public, celui des contribuables. Il est dispensé largement car il constitue le meilleur investissement de tous : il n’est de richesse que d’hommes. On peut se doter de toutes les machines du monde, elles ne fonctionneront qu’entre les mains de gens compétents. Cela vaut pour un tracteur comme pour un tribunal, une locomotive comme un journal. Serait-il indécent de mettre les différentes écoles en concurrence et de mesurer leur efficacité sur la base des résultats obtenus ? A cette aune, la HEP jurassienne cesserait d’exister. Que n’envoie-t-on tous les futurs maîtres de l’enseignement primaire et secondaire directement dans les universités qui dispensent déjà des cours de pédagogie et qui sont déjà financées, apparemment à plus juste titre.

 

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