Une chronique politique sans parti pris

Les défis de Mayotte

 

Sur 374 km2 s’entassent 290 000 habitants déclarés, dont 50% d’étrangers, en ne comptant pas 30% de clandestins provenant des Comores proches, qui sont devenues indépendantes en 1975. L’île est devenue le 31 mars 2011 un département d’outre-mer de plein droit par suite du référendum du 29 mars 2009, initié par le gouvernement français en19 juin 2021. Cette île s’est rendue célèbre en 1975 pour avoir voulu rester française (« Oui » à 99,4 %, soit 82,3 % des inscrits) quand les trois autres îles de l’archipel prirent leur indépendance.  Résultat final : en 2010, le PIB par habitant à Mayotte est huit fois supérieur à celui des Comores. De plus, Mayotte offre la possibilité d’être éduqué, de se soigner gratuitement, et de bénéficier d’allocations au même niveau que le territoire métropolitain depuis la départementalisation.

Le premier défi de Mayotte heurte donc le politiquement correct. Lors de la vague de décolonisations africaines vers 1960, il était poliment convenu dans la sphère politique internationale que la colonisation s’était faite contre les intérêts des colonisés, que la métropole captait les richesses de la colonie, qu’elle lui refusait les avantages de la démocratie et de l’Etat de droit et, qu’en un mot le statut colonial ne présentait que des désavantages. Dès que l’indépendance serait accordée à ces territoires opprimés, commencerait une ère de paix, de bien-être et de justice.

Si l’on considère ce qui s’est passé dans nombre de pays africains, ce fut exactement le contraire. Les institutions démocratiques, à l’image de la métropole, léguées par celle-ci au jeune Etat décolonisé, disparurent en très peu de temps pour faire place à des dictatures souvent d’origine militaire. Un président, autoproclamé ou élu par fraude, totalement incompétent, laissa son pays s’enfoncer dans la corruption, les violences interethniques, la famine, les épidémies. La misère noire : PIB par habitant, Suisse 61 360 $, République démocratique du Congo 785 $ . Les structures traditionnelles, comportant des éléments de démocratie coutumière, ont été éliminées par moins d’un siècle de colonisation. Dans beaucoup de ces pays africains, l’Etat n’est qu’une fiction incapable de remplir les devoirs régaliens de celui-ci, la sécurité, la santé, le développement. Bref la décolonisation s’est passée au plus mal : on est tombé d’une relation malsaine à quelque chose qui n’a pas de nom, sinon l’anarchie et la tyrannie.

Tel est le premier défi de Mayotte : avoir démontré par les faits qu’un peuple a eu la scandaleuse et bénéfique sagesse de refuser la décolonisation. Les Mahorais ne sont pas aujourd’hui opprimés par la France dont ils sont pleinement citoyens. Les Comores revendiquent régulièrement la possession de Mayotte, appuyées par des résolutions totalement irréalistes des Nations Unies. Qui peut imaginer que ce serait au bénéfice des Mahorais?

Le second défi est d’ordre démographique. Mayotte est déjà surpeuplée alors que le flux de clandestins migrants des Comores voisines ne cesse de croitre, sans parler de ceux qui se noient durant le trajet, qui fait de cette zone de l’Océan Indien le pire des cimetières marin. Le schéma, bien connu de l’Europe assiégée par des immigrants économiques  africains, se reproduit au sein même de l’Afrique. Le seul fait pour Mayotte d’être un département français, un Etat de droit, y attire toute la misère du monde. Pire : la France a la spécialité de respecter le droit du sol en ce sens qu’un enfant né sur son territoire devient automatiquement citoyen français. Les Comoriennes en voie d’accoucher affluent donc  et la France s’enrichit de 25 à 30 bébés par jour, l’équivalent d’une future classe de primaire qu’il faudra construire. Or, pour l’instant il manque déjà mille classes.

Sans modification radicale de cette situation, Mayotte arrivera rapidement à un million d’habitants soit une densité de 2673 habitants au km2. Or beaucoup manque encore. Les bidonvilles représentent 40% de l’habitat. Un tiers des habitants n’a pas accès à l’eau potable. La métropole française se doit donc de fournir un gigantesque effort d’équipement à l’échelle de son département dont la démographie est la plus dynamique. Mayotte est une charge colossale. Les Mahorais ont un niveau de vie qui n’est que le cinquième d’un Français métropolitain, mais c’est nettement mieux que les peuples voisins.

Car le troisième défi est l’économie. Malgré les injections de crédit de la métropole, Mayotte ne se développe pas par un coup de baguette magique. On ne passe pas d’une économie agraire à industrielle en quelques décennies : c’est la qualification de la main d’œuvre qui est le facteur décisif.. Quand bien même toute l’Afrique se serait prononcée en 1960 contre la décolonisation, demeurant politiquement dans la métropole, elle ne se serait pas développée à l’instar de celle-ci. Il faut des générations pour instruire une population et pour l’initier à la démocratie. En d’autres mots, il ne fallait surtout pas commencer. C’est ce que la Suisse a compris d’instinct : la conquête et l’appropriation d’un territoire étranger constitue en soi une faute politique.

 

 

 

 

 

 

 

 

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