Une chronique politique sans parti pris

Pour ce qui est contre et contre ce qui est pour

« Les conseillers nationaux et conseillers aux Etats se font massivement vacciner. C’est ce qui ressort d’une enquête de Mise au Point. Sur l’ensemble des 246 parlementaires contactés, près de 200 ont accepté de divulguer leur statut vaccinal. Résultat : 92% des élus sont vaccinés, un taux largement supérieur à la moyenne suisse. A l’heure actuelle, un peu plus de 50% de la population suisse a reçu deux injections de vaccin contre le Covid-19. Parmi les 12 parlementaires qui refusent le vaccin, 11 appartiennent à l’UDC, le douzième est membre de l’UDF. A noter que 50 parlementaires ont refusé de répondre ou n’ont pas donné suite aux sollicitations de Mise au Point. » La TSR ne renseigne pas l’appartenance de ces 50 parlementaires mais on peut spéculer que le plus grand nombre appartienne à l’UDC, qui s’affiche ainsi comme le parti anti-vaccination.

C’est aussi le plus grand des partis. Sa base partage la même opinion ou, en sens inverse, le parti, qui n’avait pas de doctrine préalable sur le sujet, chercherait à agrandir sa base en se conformant à une tendance forte de l’opinion. Cela vaut donc la peine de mesurer à sa juste valeur cette opinion publique même si on la considère comme erronée et de démêler les motivations du parti.

De l’UDC, on attendait plutôt des prises de position nationalistes, conservatrices, paternalistes, traditionnalistes, qui ne peuvent dériver que vers le machisme, la xénophobie, l’intolérance, le racisme mais jamais vers une pratique médicale, apolitique par définition.  Or, sur les OGM et la transition climatique comme sur l’épidémie, les positions du parti sont similaires : le déni de réalité. Au-delà du fonds de commerce nationaliste, il existe donc une autre conviction, d’ailleurs partagée avec les Verts : tout ce que fait la Nature est bien fait, sauf l’Homme qui est une erreur. Le virus Covid est un agent de la Nature destiné à éliminer les humains, dont le système immunitaire est faible ou affaibli par l’âge et la maladie. En d’autres mots, ce virus est un facteur de renforcement de la race en la dépouillant de ses éléments les plus faibles. Telle est la première observation venant à l’esprit qui explique sans doute la plupart des prises de position.

On en voit une autre dans le degré de formation, qui est lié au taux de vaccination : plus élevé chez les médecins que chez les infirmières qui sont plus vaccinées que les aides-soignantes. Moins on en sait, plus on se méfie des innovations. L’UDC recrute largement dans les couches les moins instruites. En politique fédérale, elle favorise l’apprentissage plutôt que l’université. La percée spectaculaire des vaccins à ARN devient un argument pour les refuser.

Enfin, il reste une dernière explication, la méfiance congénitale de l’extrême droite à l’égard des institutions de la Suisse. Ancrées dans la démocratie, celles-ci constituent un rempart contre toute tentative de prise de pouvoir par une minorité d’activistes. Par réflexe face au « système », l’UDC est contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. Comme tous les partis populistes, le parti se sait bloqué dans l’opposition et il agit en ce sens. Il critique tout ce qui donne prise, sans rien proposer comme alternative, puisque n’arrivant jamais au pouvoir absolu il ne devra résoudre aucun des problèmes latents. Or la vaccination constitue l’arme décisive pour se rapprocher de l’immunité collective, abandonner le masque, éviter les confinements, laisser travailler l’économie. Par réflexe oppositionnel, l’UDC est donc contre.

Telles sont les explications qui viennent à l’esprit pour comprendre cette dérive inattendue. Elles permettent de mieux analyser pourquoi une  grande fraction de l’électorat agit d’une façon, apparaissant irrationnelle, à ceux-là qui estiment la Raison au-dessus de tout. Or les passions sont un ressort bien plus assuré de la réussite en politique. Il n’y a donc rien d’étonnant au refus du vaccin par un parti, qui ne devra pas gérer les conséquences de sa position mais qui recueillera de ce fait  les suffrages des mécontents .

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