Une chronique politique sans parti pris

Arrêter l’épidémie

 

Le Conseil fédéral a tenu bon ce mercredi Malgré les « pressions », forme déloyale de gestion de la politique, la fermeture des restaurants, théâtres, salles de concert demeure, au risque de voir des professions s’étioler, des entreprises disparaître, des apprentissages s’évanouir. Malgré la démagogie de l’UDC et du PLR, avides de fédérer les mécontents dans l’optique des prochaines élections, deux Ministres UDC encadraient et validaient les messages  diffusés par Alain Berset. Il y a une grâce d’Etat dont jouissent les membres d’un exécutif : ils intériorisent le fait d’être responsable du bien être public et non plus du succès d’un parti. Les institutions ont bien fonctionné. Guy Parmelin a été jusqu’à affirmer que Berset n’était pas un dictateur. Cette évidence a donc dû être rappelée tant l’épidémie brouille les perspectives.

Les dégâts du virus vont donc bien au-delà de la crise sanitaire et des dommages économiques. Celui-ci ronge la substance même de la société, il écorne la réputation des institutions démocratiques. On commence à donner des chances de réussite à madame Le Pen en France, qui ne ferait pas pire que Trump aux Etats-Unis. Les dictatures larvées des partis populistes n’ont pas de programme politique sinon de détruire ce qui existe pour prolonger leur empire sur une population affolée.

Si la santé, l’économie, la culture, la convivialité, l’Etat sont menacés, il n’y a maintenant qu’une alternative : il faut éliminer le virus avant qu’il nous élimine, moins physiquement que moralement. Selon sa logique à lui, tant qu’il existe des millions de patients infectés, il continuera à muter sur ce riche terreau du génome, deviendra plus contagieux, plus mortifère, ouvrira dans des sociétés affaiblies et des systèmes médicaux débordés une voie à Ebola, qui reprend vigueur en Afrique et dont la létalité est de 50 à 90%. Si cela nous arrivait nous n’aurions même plus la force d’enterrer les morts. Nous ne pouvons pas vivre avec ce virus comme on le dit parfois. Il faut vraiment l’éliminer. Mais comment ?

Dans la rhétorique fédérale, on utilise le terme de « tunnel » qu’il faudrait parcourir pour atteindre une lumière que l’on entrevoit au bout. Cette métaphore est statique : le tunnel semble un donné, imposé par les circonstances. On peut envisager une dynamique : forer un tunnel raccourci, ne pas vivre avec le virus, mais le tuer le plus vite possible. Si toute la population pouvait être instantanément vaccinée avec un vaccin efficace à 100% sur toutes les formes de variants, ce serait le cas. Mais cela relève apparemment de l’impossibilité. L’Europe et l’Amérique se résignent à être des foyers purulents comme s’il n’y avait pas d’issue.

Néanmoins certains pays du Pacifique ont réussi : la Chine, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Taïwan. Singapour, la Thaïlande, la Mongolie, le Vietnam sont en bonne voie. A leur exemple, un comité scientifique, comportant en particulier Antoine Flahault professeur à Genève, propose une stratégie d’éradication fondée sur le principe des zones vertes. Il s’agirait de se concentrer sur les zones peu atteintes dont le virus pourrait être éradiqué en premier lieu. Dès lors la vie pourrait y reprendre son cours normal avec tous les commerces, tous les lieux de réunions, toutes les entreprises. Bien entendu, il faudrait les circonscrire et éviter des déplacements avec les zones infectées. Dès que le virus réapparait, le limiter par les mesures les plus rigoureuse comme l’Australie vient de le faire à Melbourne.

En élargissant petit à petit ces zones on pourrait finir par couvrir toute la carte. Laquelle ? Celle du continent européen pour commencer, y compris la Russie de l’abominable Poutine, Suisse aussi totalement incluse dans le protocole, afin de réaliser enfin que nous sommes le cœur de ce continent et non pas une île du Pacifique. Avec plus d’un demi-million de cas et près de 10 000 morts, nous avons été à un certain moment le foyer le plus virulent de l’infection, c’est-à-dire tout sauf un modèle Il faudrait que nous soyons en revanche une des premières zones vertes, nous en avons les moyens financiers et techniques. Ce serait un objectif plus dynamique que la résignation gouvernementale qui domine et la hargne populaire qui monte.

Cependant l’épidémie ne sera éradiquée que si elle disparaît aussi de l’Afrique dont on ne sait même pas à quel point elle est infectée, faute de moyens médicaux adéquats. En vainquant l’épidémie tous ensemble, nous comprendrions qu’il n’y a qu’une seule planète, un seul genre humain, un seul droit à la vie. Nous vaincrions ainsi non seulement une maladie physique mais aussi une peste morale, la compétition forcenée pour gagner toujours plus, de rien du tout, beaucoup de Nutella à l’huile de palme. Les deux guerres mondiales du siècle passé ont enfin enseigné que la paix est un bien suprême et que l’Europe n’est qu’une seule nation.  Le virus nous force à découvrir le sens de cette épreuve, l’obligation d’une solidarité totale sans exclusive de races, de religions, de régime politique. Comme quoi la Nature est mieux faite que nous l’imaginons parfois.

Quitter la version mobile