La seule caractéristique commune à toutes les épidémies, c’est qu’elles ont une fin, il existe “un jour d’après”. Les morts sont enterrés et les vivants sont immunisés. Les rescapés font la fête. Ils l’ont bien méritée.
Les autres problèmes majeurs ne se résolvent pas tout seuls. Il n’y a pas de jour d’après. Au contraire, le jour d’après est pire que le jour d’avant. A l’issue d’une crise passagère, le problème est toujours présent, aggravé par des solutions factices, par la temporisation, par le déni de réalité.
Le prototype est la transition climatique. Lorsqu’il n’y a pas d’autre préoccupation urgente, on s’en occupe un peu, on organise des conférences internationales, on baratine les électeurs, on dissimule le vrai problème en le transformant en quelque chose de soluble, comme l’émission de permis d’émission de gaz à effet de serre. Et puis face à une épidémie, on ne s’en soucie plus, on pare au plus pressé, on barbote dans l’urgence. Jusqu’au jour d’après, où l’on redécouvre un chagrin oublié. Si l’on revient au modèle de croissance ininterrompue d’avant, on retombera sur la transition climatique.
Or, il y a moyen d’apprendre. Pour sortir de l’épidémie, il a fallu se restreindre, vivre plus sobrement, demeurer chez soi. Rien ne fut plus instructif que de comparer des photos par satellite de la pollution chinoise. Par le seul effet du confinement, elle avait pratiquement disparu. Le président Macron dans une de ses admirables allocutions, toutes pétries du génie littéraire de la France, a esquissé un programme idéal : « le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant ». C’est tellement bien dit que l’on croit que c’est déjà fait.
Or, il ne suffit pas de le souhaiter en paroles, il faut le réaliser en actes. Cela signifierait : un retour sur la pratique de délocalisation ; un pouvoir d’achat réorienté vers la production locale non seulement de biens mais aussi de plus de services ; plus d’éducation et de soins de santé ; plus de recherche fondamentale pour être armé en cas d’imprévu ; moins de tourisme de masse, moins de résidences secondaires, moins de vacances sur les plages ou dans la montagne ; moins d’incitation de la mode à acheter et à jeter des vêtements ; peu ou pas de publicité ; une télévision orientée vers l’information, la formation, l’éducation, la culture, plutôt que le divertissement inculte ; une Toile débarrassée de ses parasites ; une gérance de la population nationale et une gestion des migrations ; moins d’esbrouffe et plus de sérieux en politique ; plus de solidarité internationale et moins de repli nationaliste.
Quel programme ! Quel défi ! Tous les peuples ne le réaliseront pas de la même manière. Face à l’épidémie Singapour, Taïwan, la Corée du Sud l’ont mieux gérée que l’Italie, la France ou la Grande-Bretagne, accoutumés au déni de réalité politique. Et l’on a vu l’incroyable : des contingents de médecins et de matériel provenant de Cuba, de Chine et de Russie au secours de l’Italie accablée. Quelle leçon des dictatures à une démocratie branlante ! Quel soutien à tous les apprentis dictateurs de gauche et de droite !
Le jour d’après l’épidémie, il faudra rouler les tapis politiques et s’occuper concrètement de la poussière que l’on y a accumulé depuis des décennies, tous ces problèmes qui ne se résolvent pas à la longue comme la propagation d’un virus mais qui s’aggravent par la négligence où on les tient. Pour la Suisse on peut répertorier : la faillite annoncée des pensions ; le poids de l’assurance maladie ; les relations en panne avec l’UE ; l’inattention face à l’émission de gaz de serre ; l’illusion du bénéfice du repli sur soi.
Il n’existe pas de mal qui ne puisse être converti en bien. Cela dépend de chacun, s’il est persuadé que les autres agiront comme lui.