Une chronique politique sans parti pris

Répétition générale

 

Qui aurait pu imaginer au début de l’année que Milan serait mis en état de siège, que l’on ne puisse plus y entrer ou en sortir sans permis ? Qui aurait pu prévoir que les transports internationaux, aériens ou ferroviaires, seraient désertés, que les réunions commerciales, sportives, culturelles, religieuses, politiques seraient annulées, qu’il y aurait pénurie de masques et de désinfectants, que les hôpitaux seraient débordés ? Nous tombons de haut à cause d’un virus minuscule, un dixième de millimètre. C’est comme si la peste médiévale resurgissait.

Camus avait prédit ce qui allait arriver : « Les fléaux […] sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus »
En Suisse, la gestion de la crise est rassurante : le conseiller fédéral donne des explications et des consignes claires et pragmatiques, en insistant sur la responsabilité individuelle. Selon l’enquête, la population suit largement les mesures de prévention recommandées par la Confédération. Ainsi, 93% des sondés disent se laver fréquemment les mains, 76% évitent de se serrer la main et plus de la moitié s’abstiennent temporairement de voyager à l’étranger. Une épidémie est un exercice collectif de civisme et un test du pouvoir.
En Italie ce test s’est mal passé. La décision de mettre des provinces en quarantaine a fuité avant que le Premier Ministre puisse la transmettre à la population. De sorte qu’avant qu’elle n’entre en vigueur des Milanais se sont précipités à la gare pour fuir le confinement. L’épidémie croit exponentiellement faute de mesures prises à temps. Le système sanitaire est menacé d’effondrement. Dans le même temps, on autorise l’ouverture des cafés et restaurants jusque 18 heures en prétendant imposer une distance d’un mètre entre consommateurs, certainement impossible à faire respecter.
Face à une grave menace, chaque nation est soumise à une épreuve qui mesure sa capacité de survie. Il suffit de comparer la France et le Royaume-Uni en 1940 pour déchiffrer le mécanisme. Les uns se disloquent, se dispersent, s’égarent, se disputent en montrant leur véritable nature. D’autres résistent en consentant les sacrifices nécessaires.
On réalise de mieux en mieux quel est l’enjeu. En confinant des régions, en interdisant des manifestations, en limitant les déplacements, on nuit à l’économie. Le choix est maintenant clair : faut-il sacrifier des points de croissance, voire entrer en décroissance, pour sauver des vies ?
La réponse n’est pas évidente. Si la Suisse fermait simplement ses frontières, des milliers de travailleurs médicaux manqueraient à l’appel au moment où l’on en a le plus urgent besoin. Si l’on décrétait la fermeture des écoles, des parents obligés de garder leurs enfants créeraient la même carence. Si ceux-ci sont confiés aux grands-parents, ils risquent d’infester les personnes les plus sensibles. Face à une crise sérieuse, il n’y a que des mauvaises solutions, car il existe des problèmes insolubles par définition. Tout est donc dans le compromis, le consensus, la confiance mutuelle entre le peuple et le pouvoir.
Ce coronavirus n’est qu’une épreuve préliminaire. Trois autres nous attendent : l’affaissement des pensions ; l’immigration massive d’authentiques réfugiés ; la transition climatique. Chaque fois un défi existentiel sera proposé qui demandera une démonstration de civisme. Nous sommes placés devant une occasion de nous entraîner à surmonter les épreuves.
Camus l’avait vu dès 1947 en publiant La Peste dont on peut adapter la dernière phrase : « …le jour viendra où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillera ses rats et les enverra mourir dans une cité heureuse. »

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