Une chronique politique sans parti pris

Le parlement fédéral ne doit pas représenter la population

La question est de pure forme car, à consulter les chiffres, c’est non. Tout d’abord, le quart de la population résidante est étrangère. À de rares exceptions près, c’est un record mondial. La Suisse est davantage terre d’immigration que les États-Unis ou le Canada. Ensuite, la moitié des électeurs inscrits s’abstiennent d’habitude : cette fois-ci il n’y a eu que 45% de participation, soit à peine un tiers de la population résidente. Cette minorité de fait a-t-elle élu le nouveau parlement fédéral en proportion des classes de la société ?

Sur les 246 parlementaires, il y a 151 hommes et 95 femmes : il y a eu pire dans le passé, mais ce n’est pas encore le parlement paritaire dont on fait l’éloge maintenant. En matière d’âge, c’est encore plus criant. Il n’y a que sept parlementaires de moins de 30 ans : il manque 44 parlementaires pour représenter statistiquement cette classe d’âge, tant pis pour la formation. C’est encore pire à l’autre bout de l’échelle. Il n’y a qu’un seul parlementaire de plus de 69 ans : comme il en manque 37, la sauvegarde des pensions est sérieusement compromise. En revanche, la classe 50-69 ans ne comporte pas moins d’une centaine de représentants de trop par rapport à la population.

Cette sous-représentation des jeunes et plus encore des aînés a deux causes différentes. En dessous de 30 ans, les jeunes sont souvent préoccupés par le lancement de leur carrière professionnelle, qui ne leur laisse que peu ou pas de disponibilités pour passer chaque année une centaine de  jours à Berne. Quant aux aînés, déjà retraités et totalement disponibles, les partis ont tendance à les éliminer sous prétexte de laisser la place aux jeunes, ce qu’ils se gardent bien de faire. On a donc un parlement de gens arrivés à une position professionnelle enviable, que leur promotion comme parlementaire va encore conforter. Combien sont élus dans cet état d’esprit?

Le dogme du parlement de milice a ses inconvénients propres. En supposant qu’un parlementaire doive vraiment gagner sa vie par une activité professionnelle et que son activité politique ne soit qu’un à-côté, une sorte de passetemps honorifique, on élimine de fait d’importantes catégories professionnelles au bénéfice de quelques autres. Les professions libérales, avocats et médecins, les chefs d’entreprise, les paysans, les syndicalistes, les enseignants peuvent plus facilement organiser leur charge de travail qu’un employé ou un ouvrier de base. Ces derniers sont donc les grands absents. On le vérifie en comparant les formations : il n’y a aucun représentant de ceux qui n’ont fait que l’école obligatoire, il en manque des dizaines pour ceux qui ont fait un apprentissage alors qu’il y a une légion d’universitaires de trop.

Que conclure ? Certes, aucun parlement au monde ne représente un échantillonnage statistiquement correct de la population. La seule façon serait de le tirer au sort. Un parlement composé surtout de quinquagénaires et de sexagénaires adopte une vue des problèmes conforme à ses intérêts et à ses préjugés. Assez souvent, une loi votée par cette assemblée est combattue en référendum et annihilée. Le pouvoir réel appartient donc au souverain populaire. Le parlement fédéral est surtout une chambre de réflexion qui propose et ne dispose pas. Comme la Suisse est le pays le plus prospère au monde, le plus paisible, le plus agréable, elle démontre que le parlement n’a pas besoin d’être représentatif. De toute façon par le referendum et l’initiative, le peuple dispose des outils pour se représenter lui-même. C’est pour cela que le système marche si bien, si mollement, si prudemment, si sereinement.

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