Une chronique politique sans parti pris

Un(e) Vert(e) au Conseil fédéral?

Faut-il installer un(e) Vert(e) au Conseil fédéral ?

Oui, si l’on respecte le bloc des électeurs, qui ont porté les deux partis de cette couleur, soit plus d’un cinquième de l’électorat. Comme il y a sept conseillers fédéraux, il suffit mathématiquement de 15% du corps électoral pour avoir droit à un siège. D’autant que cette vague écologique provient d’une prise de conscience globale. De plus en plus de citoyens comprennent que le plus grand défi des décennies à venir est de renoncer aux combustibles fossiles, quelque difficile que soit la tâche.

Non, si l’on considère la tradition. Il n’y a pas de siège vacant et la tradition veut que l’on ne déloge pas un conseiller fédéral en fonction. Il a fallu se comporter de façon aussi peu collégiale que Christoph Blocher, pour subir cette avanie.

Mais il est un autre argument plus spécieux. Il faudrait qu’un parti fasse preuve de sa permanence pour accéder à l’exécutif fédéral. Le PDC, le PS, l’UDC ont dû attendre parfois plusieurs législatures avant que leur force numérique les impose au conseil fédéral. Sous cet argument, se cache le secret espoir que la montée de l’écologie ne serait qu’une mode passagère et que l’on reviendra bien vite au monopole des partis traditionnels. C’est avouer que l’on attend l’échec futur des partis verts. C’est perdre de mauvaise foi.

Cet argument est spécieux parce qu’il ne reconnait pas le caractère surprenant de ce qui vient de se passer. Durant la législature précédente, rien n’a été réalisé en matière climatique. Rien non plus bien sûr pour les pensions, l’assurance maladie, les relations avec l’UE. Ce fut un festival de procrastination, d’inertie, d’ajournement, d’impuissance. La reconduction du Conseil fédéral dans sa composition actuelle produira les mêmes effets. Or, la transition climatique exige une action urgente. Plus on tergiverse, plus les symptômes s’aggravent, plus le problème se complique.

Sa face cachée est sa globalité. La Suisse aurait beau faire acte de vertu climatique, elle n’influencera pas vraiment le cours des événements, si elle agit seule. Il faut surtout que les Etats-Unis, la Chine et la Russie (55% de l’empreinte carbone mondiale) adhèrent à un programme efficace. Ce problème planétaire implique une gestion planétaire, c’est-à-dire le transfert de certains pouvoirs nationaux à une entité internationale. Or, rien n’est aussi contraire au sentiment populaire helvétique dans son expression actuelle. Cela explique, sans le justifier, l’inertie qui a prévalu jusque maintenant. Un gouvernement fédéral faible par sa nature est soumis non seulement au parlement, mais aussi au peuple dans la version helvétique de l’acratie, de l’absence de pouvoir. Même si quelque chose tourne mal, il est impossible de désigner un responsable.

En fait, il ne s’agit pas du tout d’un problème technique, qui se règlerait avec quelques milliards d’investissements. C’est la nécessité d’un changement de société, de mentalité, de culture. On trouve en Suisse des Verts à gauche mais aussi d’inspiration droitière. Le défi s’inscrit au-dessus des clivages partisans coutumiers. Invoquer la tradition pour reconduire le Conseil fédéral revient à refuser d’entrer en matière, à nier la réalité, à ne pas voir les glaciers qui fondent et la mer qui monte.

En déclinant de soutenir une candidature verte au Conseil fédéral, le parti du centre, agrégé autour du PDC, vient de se situer dans le camp du déni de réalité, propre à la droite PLR et UDC. Cela ne préjuge pas d’un avenir lumineux pour la législature qui vient. Il faudra donc attendre quelque cataclysme (sécheresse, pénurie alimentaire, conflits pour l’accès à l’eau, immigration massive) pour prendre des mesures d’urgence sans y avoir réfléchi à temps.

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