Une chronique politique sans parti pris

L’irremplaçable ressource des réfugiés

 

Le doute n’est plus permis : le Moyen-Orient a tendance à se déverser dans l’Europe, en attendant que ce soit l’Afrique. Ce n’est pas la première fois. Voici trente ou quarante mille ans, les premiers Homo Sapiens, venant d’Afrique, ont utilisé le pont oriental pour accéder à l’Europe et se mélanger aux Neandertals résidents dont nous avons hérité le génome à dose homéopathique. Le résultat a été plutôt brillant : les langues, la science, l’art, la politique de notre continent ont envahi toute la planète. Triple conclusion : les Homosapiens authentiques habitent l’Afrique ; nous descendons tous de réfugiés à plus ou moins longue échéance ; un réfugié constitue un apport plutôt qu’une charge ; les valeurs religieuses dont nous nous targuons ont été initiée par un Juif errant, Abraham.
La nation la plus puissante du monde, les Etats-Unis, fut peuplée de réfugiés. Non seulement les Anglais qui fuyaient les persécutions religieuses du XVIIe siècle, mais aussi les Irlandais chassés par la famine de 1879 qui vide la moitié des habitants du pays. Puis les Italiens pressés par la misère d’un pays surpeuplé, ensuite les Juifs d’Europe de l’Est menacés par les pogroms. Aujourd’hui encore les Etats-Unis pompent les ressources intellectuelles du vaste monde, non seulement l’Europe mais aussi l’Asie. A contempler ce panorama, on est tenté d’énoncer que la meilleure façon de peupler un pays est encore d’accepter toute la misère du monde. Sans faire aucunement attention à la culture locale, celle des nations amérindiennes, conservée dans des réserves à titre folklorique. Il n’y a pas de cultures éternelles.
Angela Merkel a bien compris en accueillant en Allemagne au moins dix fois plus de réfugiés qu’en France : cela lui coûtera sa place de chancelière, mais une fille de pasteur est au-dessus de ce genre de considération. En tenant compte de la population, le Liban en héberge 250 fois plus que toute l’Europe ensemble. Ce sont des dimensions auxquelles nous n’échapperons pas. L’ère des grandes invasions recommence. Nous ne l’arrêterons pas avec des barbelés, de la législation ou de la paperasse. Encore moins en l’instrumentalisant pour gagner des élections.
Puisque nous serons envahis de toute façon, comment en tirer le meilleur parti, pour ne pas dire le moins mauvais ? La première solution est purement humanitaire : tout Syrien est un réfugié et nous devons l’accepter sans chercher de fausses excuses. Et donc accepter de délivrer des visas dans nos représentations diplomatiques pour éviter le mortel parcours du combattant en radeau pneumatique et en jogging. Bien entendu, si la Suisse est seule à faire son devoir, elle créera un appel d’air considérable. Le respect de la tradition humanitaire suppose une entente avec nos voisins européens. Nous n’en prenons pas le chemin avec nos tergiversations interminables à l’égard de l’UE.
Si nous n’y parvenons pas, il reste la ressource de filtrer les arrivants, mais comment ? La Hongrie songe à la religion, comme si le christianisme, dont elle se réclame, autorisait ce genre de discrimination d’inspiration tribale. La Suisse penche pour les cas les plus urgents : malades, handicapés, femmes seules avec enfants. Tôt ou tard, quelqu’un imaginera de sélectionner sur base de la compétence professionnelle et de favoriser ingénieurs et médecins, plombiers et maçons.
Bref un réfugié, bien utilisé, peut servir de multiples projets : créer une nation de toute pièce ; donner une bonne conscience inoxydable à des Allemands en manque historique ; compenser le déficit démographique ; pallier la pénurie de main d’œuvre qualifiée ; recruter des chrétiens intégristes ; fournir des emplois à des ONG. Le réfugié, bien considéré, est un homme ou une femme à tout faire. C’est une ressource précieuse. Nous aurions tort de ne pas en profiter.

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