Une chronique politique sans parti pris

Pas de taxes CO2!

Les élections fédérales ont, pour une fois, entrainé un bouleversement significatif, un mouvement tectonique du paysage helvétique : la transition climatique, devenue le principal thème, a propulsé les Verts et les Verts libéraux au détriment des partis gouvernementaux traditionnels au point que l’on se trouve confronté à une éventuelle modification de la formule magique.

 

Il serait important que ce résultat ne soit pas ramené à la traditionnelle bascule entre la gauche et la droite. La transition climatique transcende les débats classiques sur le rôle respectif de l’Etat et du marché. La problématique est celle de la survie de l’espèce à moyen terme. Que sera le climat en 2100 ? Permettra-t-il à l’agriculture de nourrir dix milliards d’êtres humains ? Comment trouver une espace pour les populations rejetées vers l’intérieur des terres par la montée des océans, de combien de mètres ? Evitera-t-on des guerres entres grands blocs pour s’approprier des ressources déclinantes ? Quelle proportion de la planète deviendra inhabitable ?

 

Dès la soirée du 20 octobre, le débat, tel qu’il s’est enclenché, porte sur la politique de réduction de l’empreinte CO2. La droite en déroute accuse la gauche triomphante de méditer une augmentation des taxes. Ce reproche n’est pas dénué de fondement, car ce fut une tendance historique et que c’est pour l’instant le principal axe de la loi sur le CO2. Mais la déconvenue française face à la révolte des gilets jaunes montre bien les limites de cet exercice. Si on augmente les taxes sur l’essence et que des travailleurs n’ont d’autre ressource que d’utiliser une voiture pour se rendre à leur emploi, on crée une impasse sociale et la réforme écologique capote. On retombe dans le dilemme droite-gauche.

 

La gestion de la transition climatique doit donc tenir compte à la fois de l’environnement et de la justice sociale. Car les taxes frappent surtout la classe moyenne, celle qui paie des impôts et qui n’est pas subsidiée. Les contribuables vraiment riches n’en souffrent pas vraiment, au point de réduire leur consommation. Une taxe, même lourde, sur les billets d’avion ne les gênera pas. On arrive donc au paradoxe de frapper les petits pollueurs et d’épargner les gros.

 

Si on ne peut se reposer sur la politique fiscale pour taxer le CO2 sous toutes ses formes, quelles sont les autres termes de l’alternative ? En temps de guerre on a recouru au rationnement. A chacun un quota d’essence, de fuel, d’électricité, de trajets aériens. On peut douter de la réussite d’une telle politique en votation populaire. D’autant qu’il faudra la moduler au prix d’une lourde bureaucratie pour distinguer entre les besoins de la plaine et de la montagne, des villes et des régions périphériques. D’autant plus encore que des emplois sont à la clé.

 

Un pas plus loin que le rationnement, il y a l’interdiction pure et simple. La Norvège montre le chemin en proposant de ne plus admettre les véhicules à comburant fossile dès 2025. Ce qui revient à promouvoir le tout électrique à base de batterie ou d’hydrogène. On va, même en Suisse, éliminer les chauffages électriques, au fuel ou au gaz, mais lentement. On va imposer des normes d’isolation non seulement pour les nouveaux bâtiments mais aussi pour les anciens. Toutes ces mesures devront être soumises aux votations populaires.

 

On arrive ainsi au nœud du problème. Le peuple est souverain. Il faut commencer par le convaincre que la société doit changer. On devrait pour cela empêcher les entreprises de désinformation comme le toute-boite de l’UDC niant la réalité de la transition climatique d’origine humaine. Ce qui reviendrait à instaurer une forme de censure, qui est également supportable tout juste en temps de guerre. Les élections de 2019 ne sont donc que le premier pas sur une très longue route. Mais il n’y a que le premier pas qui coûte.

 

 

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