Une chronique politique sans parti pris

La santé n’a pas de prix

Les augmentations modérées de la cotisation en assurance-maladie, voire leur diminution, ont suscité une hilarité générale, parce qu’elles sont annoncées en année électorale. Comme le parlement n’a rien pu faire sur cet objet durant la législature passée, tous les partis confondus essaient tout de même de faire croire le contraire. Mais l’opinion publique a intériorisé une vérité élémentaire : par définition, ces prélèvements obligatoires augmentent d’année en année, car ils mesurent les progrès (heureux) de la médecine et l’allongement (consécutif) de l’espérance de vie. En parallèle, le PDC, menacé de chute dans les sondages, lance une initiative prônant un frein sur ces cotisations, sans préciser quelle mesure concrète permettrait de freiner quoi que ce soit, tout en préservant en même temps la qualité.

L’assurance-maladie embarrasse toujours plus d’année en année. Car les dépenses en soins et médicaments puisent d’abord dans cette source empoisonnée : les caisses maladies, entreprises privées, financées par une cotisation obligatoire, croissant plus vite que le revenu moyen, recrutant des administrateurs parmi les parlementaires. C’est un impôt de capitation, prélevé par tête de contribuable indépendamment du revenu et de la fortune, un autre exemple étant la Billag. Cette méthode est la plus radicale et la plus archaïque pour pressurer une population. C’est en fin de compte un impôt sur l’air que l’on respire, sur le droit d’exister. Comme il est déjà trop lourd pour une large fraction de la population, il doit être compensé par des subsides, ce qui est une façon très compliquée de faire circuler de l’argent.

En dehors de cette ressource, les cantons distribuent aux hôpitaux le produit d’impôts sur le revenu et la fortune. Enfin s’y ajoute la contribution personnelle des patients pour tout ce qui n’est pas remboursés, par exemple la PMA. Mais quelle que soit la méthode utilisée, ce sont toujours les citoyens qui financent leurs dépenses de santé, d’une façon comme d’une autre. Il n’existe pas une source occulte générant des subsides qui ne pèseraient sur personne.

L’appoint des cantons tient compte du revenu et de la fortune de l’individu et à ce titre parait plus juste que la cotisation obligatoire à l’assurance. Ne faudrait-il donc pas abandonner celle-ci ? Cela reviendrait à faire subsidier intégralement ceux qui ne paient pas d’impôts par les autres. Sur quoi s’appuierait une telle politique ?

Sur le principe général de solidarité. Nous ne pouvons plus supporter que des concitoyens souffrent, deviennent handicapés ou meurent, faute de pouvoir se payer des soins. C’est le même mécanisme qui joue pour la formation. Un enfant issu d’un milieu défavorisé a le droit d’accéder aux études les plus exigeantes s’il est doué et motivé. La formation à tous les échelons est donc gratuite ou presque. C’est un investissement collectif dans la matière grise, c’est la condition essentielle pour le développement économique du pays. L’Etat fédéral ou cantonal est garant du bien-être général : santé et formation en sont deux composantes nécessaires, à traiter de la même façon.

On objectera que ce recours à l’Etat providence engendrerait un appel d’air qui ferait croître encore plus vite les dépenses, que les caisses privées constituent un moyen de contrôle (?), que la cotisation rappelle à chaque contribuable que son argent sert un but utile, qu’il est toujours possible d’empirer la situation actuelle. Peut-être. Mais le désordre actuel est-il pour autant défendable ? Les mesures déjà appliquées, comme le numerus clausus des facultés de médecine, l’interdiction d’ouvrir de nouveaux cabinets, le droit de ne pas contracter pour les caisses, n’ont pas servi.

Il y aura toujours des malades imaginaires et des médecins complaisants. Si l’on s’avisait de maîtriser les coûts de la santé en prohibant certaines prestations en rationnant tout le monde, on toucherait forcément des patients qui en auraient besoin. La croissance des coûts ne dépend pas de gaspillages multipliés, mais d’une évolution souhaitable de la médecine. Il n’est pas absurde d’y consacrer une part croissante du produit national quand on voit avec quelle facilité croissent les dépenses dépendant de la numérisation, comme si celle-ci mesurait un progrès indispensable tandis que celles de la médecine proviendraenit d’un gaspillage..

Ce mécanisme de redistribution des postes dans le budget des ménages est normal et bénéfique. Avant la révolution industrielle, l’alimentation mobilisait de l’ordre des trois quarts d’un salaire de base, alors qu’aujourd’hui cette dépense se situe en dessous de 10%. Mais nous sommes mieux formés, mieux logés et aussi mieux soignés. Cela a un coût qu’il faut supporter.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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