L’excellent livre de Roger Nordmann « Le plan solaire et le climat » résume en 150 pages un projet d’équipement de la Suisse pour la rendre autonome en matière d’énergie. C’est le genre de document que l’on attendrait de la part du Conseil fédéral, dont la politique a long terme en la matière mériterait d’être formulée en des termes aussi précis et réalistes. Or la loi sur le CO2 déjà timide à l’origine a été vidée de son contenu lors d’un vote du Conseil national le 8 décembre 2018. On n’est nulle part.
On ne peut pas se satisfaire d’une Suisse à 37 éoliennes parce que le droit de recours est aussi étendu. Il faut maintenant forcer le destin. Si l’Autriche en a installé 1 313, la Suisse devrait pouvoir en faire autant. Plus du photovoltaïque en abondance, l’assainissement des bâtiments mal isolés, la géothermie. La technique fournit toutes les solutions mais pas le courage politique.
Face au défi climatique, le fonctionnement de la Confédération n’est pas adapté. Il n’y a pas de chef de l’Etat permanent ou de premier ministre, mais une direction collégiale, où sont représentées toutes les mouvances politiques. Sur la question de la transition climatique, il n’y a pas d’accord possible entre une droite, qui nie ou minimise le problème, et une gauche qui l’agite sans pouvoir le résoudre. Les institutions gèrent admirablement la routine des questions ordinaires. Elles ne sont pas faites pour les situations extraordinaires.
Or, il surgit des cas où l’urgence requiert une autorité suprême. En cas de menace de guerre, l’Assemblée fédérale élit un général qui dispose des pouvoirs les plus étendus. D’une certaine façon, la situation est identique en matière de climat : la survie du pays, voire celle de l’espèce, est en cause. Une autorité supérieure, un « général du climat », peut-être un groupe restreint d’experts, pourrait avoir comme prérogative d’imposer des décisions à la fois indispensables et impopulaires.
Dans un tout autre domaine, on en a eu une préfiguration, face à la menace de faillite de l’UBS. Averti dans l’urgence de la menace d’une cessation de paiement et d’un ébranlement systémique de l’économie suisse, le Conseil fédéral siégea à partir de 9 heures le mercredi 15 octobre 2008.
Dès 13 heures 30, les six membres de la délégation des Finances, trois Conseillers nationaux et trois Conseillers aux Etats, étudient les documents relatifs au plan. A 18 heures 30, en trois heures, la délégation des finances décide à l’unanimité d’octroyer 6 milliards de prêt. Une société de portage créée par la BNS recueillera les placements douteux de l’UBS à hauteur de 60 milliards. A titre de comparaison, le budget fédéral était à l’époque de l’ordre de 60 milliards : le risque était donc considérable. Bien que les chambres fédérales aient été en session, la décision ne leur fut pas soumise. Un autre exercice du pouvoir s’était établi, réaliste, rapide et efficace.
On doit se souvenir que l’économie suisse fut sauvée ce jour-là par la concertation d’un tout petit groupe de personnes, qui prirent tous les risques. On peut souhaiter que le même mécanisme soit mis en place pour la crise climatique. A situation d’exception, il faut une solution adaptée : elle est à portée de main, il suffit de l’activer.