Apparemment ce dimanche est jour de fête : on réglé à la fois la fiscalité des entreprise et le déficit des pensions. On a appâté les votants en liant les deux objets. On a dissimulé la réalité.
Le déni de réalité est la posture la plus commode pour tous ceux qui sont confrontés à un problème insoluble. Cela est vrai d’un couple, d’une famille au sens le plus large, d’une entreprise, des pouvoirs publics et même des Eglises. A quelque niveau qu’elle se trouve, l’autorité répugne à confesser son impuissance parce qu’elle perdrait, croit-elle, du pouvoir. Or celui-ci est fragile, dépend de l’appui des subordonnés, suppose que le chef possède des ressources dont les autres sont démunis.
L’homme le plus puissant de la Terre, le président des Etats-Unis, en a donné un exemple éclatant. La ville de Paradise était située au nord de la vallée centrale de Californie, sa population s’élevait à 26 882 habitants sur 47,3 km2. La ville fut entièrement détruite par l’incendie, dit Camp Fire, qui a débuté le jeudi 8 novembre 2018 et qui a détruit près de 620 km2 et plus de 13’500 maisons. Le président Trump a visité ce champ de ruines, exprimé sa tristesse et réitéré son refus de reconnaître que le changement de climat soit responsable de ce désastre.
Le croit-il vraiment ou feint-il de le croire ? Là git toute la question.
Le déni de réalité repose sur l’ignorance ou sur le refus de connaître, ou encore sur un mélange subtil des deux. Si l’on n’a pas envie de savoir, si l’on redoute d’apprendre la vérité, on ne partira pas à sa recherche. On sera un ignorant de bonne foi. L’exemple le plus inquiétant est bien la posture du climatosceptique : si, comme je le fis dans maints blogs, je mentionne des mesures, le commentaire en avancera d’autres de sources imprécises.
Mais il est des problèmes plus proches de nous qui suscitent la même attitude. Par exemple l’impasse des pensions. Soit la donnée suivante : le système de pension par répartition, dit AVS, distribue chaque année aux retraités les cotisations versées par les actifs. En principe. Problème : ce système permet-il de garantir à ceux qui ont cotisé toute leur vie qu’ils percevront la rente promise, lorsqu’ils prendront leur retraite, au bout de quarante ans ?
La réponse est positive, sous deux conditions : la durée de vie ne s’allonge pas ; les générations se succèdent sans variation de leur nombre. Or, la durée de vie se prolonge, trois mois de plus chaque année, tandis que le nombre de naissances est en déficit d’un tiers par rapport au renouvellement des générations. Aucune des deux conditions nécessaires n’est vérifiée.
C’est donc non. Le problème tel qu’il est posé est insoluble. Il faut en changer les données. On a le choix entre plusieurs solutions : allonger la durée de la vie active ; relever les cotisations ; diminuer les rentes. On peut tourner l’équation dans tous les sens : le problème reste insoluble aussi longtemps qu’on ne change pas au moins une de ces trois données.
Depuis la création du système jusque maintenant, sur plus d’un demi-siècle, la durée de survie à 65 ans a doublé, de dix à vingt ans. Même si le taux de naissance était resté stable plutôt que de diminuer, il faudrait donc : soit augmenter de dix ans la durée du travail ; soit diminuer les rentes de moitié ; soit doubler les cotisations. Ces trois solutions sont impopulaires, même en les combinant.
Dès lors, la méthode consiste à nier la réalité, de façon à transformer simultanément un peu toutes les données. C’est ce qui vient de se passer ce dimanche. Au terme de la votation populaire la loi sur la RFFA vient d’être acceptée. Elle consiste à augmenter très peu les cotisations et à débiter le reste de l’indispensable en puisant dans la caisse fédérale, fournie par les impôts de tout le monde, y compris les pensionnés, c’est-à-dire en réduisant de fait les rentes. On a utilisé deux moyens sur les trois en essayant de camoufler la manœuvre.
Le troisième remède, la prolongation de la durée du travail, n’est pas envisagé. On en nie jusqu’à la possibilité en prédisant un échec certain en votation populaire. Or, quelle est la réalité ? Les difficultés de l’AVS proviennent uniquement de l’espérance de vie prolongée. C’est seulement en agissant sur la cause que l’on peut réduire l’effet.
Dès lors l’AVS est aux soins palliatifs. On a renoncé à la guérir. Mais on a fait croire que le problème était résolu. Et c’est cela l’essentiel. Fabriquer un fantasme de société où les problèmes disparaissent comme dans un dessin animé.