Une chronique politique sans parti pris

Le mariage controversé

 

La déconvenue du Conseil fédéral, désapprouvé par le Tribunal Fédéral dans le référendum sur la fiscalité du mariage, démontre que la Suisse respecte strictement la séparation des pouvoirs. Un bon point. En revanche la diffusion d’une brochure comportant des chiffres carrément faux ne plaide pas pour la compétence et l’impartialité de l’administration fédérale. Peut-être était-ce voulu. Pour certains esprits, épris d’archaïsme et de patriarcat, le mariage constitue une union indissoluble, qui peut supporter une fiscalité uniforme et une pension réduite. Dans ce concept, la femme est au foyer à perpétuité et le divorce n’existe pas. Ce  fut peut-être l’opinion du fonctionnaire fédéral qui a rédigé la brochure.

Reste maintenant à poser la question du mariage civil lui-même. A quoi sert-il s’il n’augmente pas le retour sur impôt et ne diminue pas les pensions ? D’où sort cette cérémonie communale parfois expédiée comme une corvée par un personnage mandaté à cet effet.

La France a inauguré en 2017 une procédure révolutionnaire : les divorces par consentement mutuel, soit 55% des cas, ne devront plus passer devant un juge pour être entérinés. Si les époux sont d’accord pour la garde des enfants, la pension alimentaire et le partage du patrimoine, il suffit de passer devant un notaire pour confirmer ces conventions. Le but est bien évidemment de désengorger les tribunaux encombrés de procédures dénuées de sens. La République vient de faire un grand pas en arrière, dont notre Confédération devrait s’inspirer.

Un pas en arrière, car c’est bien la République qui a inventé en 1792 le mariage civil, inexistant sous la Monarchie ou ailleurs dans le monde. Il y avait d’une part un éventuel contrat devant notaire pour régler les questions financières et d’autre part un mariage religieux pour authentifier l’engagement moral de fidélité et de soutien réciproque. Cela ne signifie pas que la situation de fait était idyllique, car souvent les mariages étaient arrangés par les familles et le libre consentement de l’épouse était bafoué. Mais la situation était au moins claire : à la loi civile de régler les biens terrestres, à l’Eglise de sacraliser la morale.

Le mariage civil est donc une institution hybride, où l’Etat se mêle de ce qui ne le regarde pas. Il n’a pas à prescrire et à surveiller les mœurs des citoyens, sinon à titre dérisoire et comique, comme le met en scène Feydeau lors de l’irruption d’un commissaire venant constater un délit d’adultère. Dans certains pays anglo-saxons, des ministres du culte peuvent célébrer un mariage religieux qui vaut mariage civil. En Israël n’existe que le mariage religieux. On pourrait donc se passer du mariage civil.

Dès lors que la France revient pour le divorce à une procédure devant notaire, on peut se demander pourquoi le mariage civil fait encore sens de se célébrer dans une maison communale devant un municipal, sinon pour procéder à un simulacre de bénédiction étatique. Les cérémonies sont tellement expéditives et parfois bâclées qu’elles en viennent à ridiculiser l’engagement pris. Un notaire peut tout aussi bien enregistrer le consentement des époux et leurs conventions financières. On en reviendrait à la situation originelle. Aux époux de décider par ailleurs s’ils souhaitent un mariage religieux.

Cette clarification du sens du mariage permettrait aussi de dédramatiser l’union entre personnes du même sexe. Pour l’Etat, ce qui compte c’est seulement d’être au clair sur la fiscalité et les règles de succession. Il n’a pas à s’immiscer dans les mœurs des partenaires de l’union. Nos contemporains le supportent de plus en plus mal. Reste à espérer que la France fasse école et que le droit du mariage ou du divorce soit épousseté également en Suisse. A la limite que le mariage civil soit supprimé complètement et remplacé par un contrat notarié.

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