Une chronique politique sans parti pris

L’avenir dure longtemps

 

L’inégalité sociale au sein d’un pays devient de plus en plus insupportable. Mais que dire de celle qui existe et qui persiste entre les nations. Certes l’UE constitue une formidable machine à convergence entre les pays. Ainsi la capitale de la Slovaquie est une des régions où la croissance du revenu par habitant fut la plus élevée. Il se situe maintenant à 179% de la moyenne européenne, plus que Vienne, proche voisine, à 151%. Sur les dix dernières années ce revenu a augmenté de 2,1% en moyenne par an pour l’ensemble de l’UE, avec certains pays à la traine comme la Bulgarie ou la Roumanie.
En parité d’achat, le PIB par habitant se situe à 75900 euros au Luxembourg, pratiquement à égalité avec la Suisse, à 66200 euros en Irlande, mais en dessous de 10000 euros dans certaines régions de la Bulgarie

Cependant, l’UE ne réussit pas à égaliser le revenu local entre les régions. Ainsi l’Italie a un revenu par habitant qui s’établit à 96% de la moyenne européenne, ce qui semble tout à fait normal et satisfaisant. Mais la Lombardie est à 128% et les Pouilles à 64%. En France, Paris est à 177% et la Picardie à 75%. La Pologne se développe rapidement dans les régions de l’Ouest, assimilées par la Prusse durant deux siècles jusqu’en 1919 ou celles du Sud annexées par l’Autriche. En revanche les provinces de l’Est sous la coupe russe pendant longtemps demeurent dans la misère et le sous-développement.

L’empreinte de l’Histoire persiste donc au-delà du siècle. On connait les maux de l’Italie du Sud, minée par le travail au noir et par l’empreinte maffieuse. Les régions à la peine de l’Est ne sortent pas de l’héritage du communisme : administration envahissante, faible qualification, vieillissement de la population, perte de l’esprit d’entreprise. Dès lors elles se dépeuplent par l’émigration de la fraction la plus jeune et la plus qualifiée : la Bulgarie est passée de 9 à 7 millions d’habitants entre 1989 et 2018. Si l’on accepte de remonter très loin dans le passé, on doit remarquer que les régions les plus prospères de l’Europe, Pays-Bas, Flandres, Rhénanie Palatinat, Luxembourg, Alsace, Suisse, Lombardie suivent plus ou moins les contours de l’éphémère royaume de Lotharingie créé en 855.

Il y a donc des peuples vertueux, travailleurs, civiques, cohérents et d’autres qui le sont beaucoup moins par les aléas de l’Histoire, par leur incapacité de surmonter les défis, par des erreurs politiques majeures. Rien n’est plus important que de cultiver ce patrimoine politique, social, économique et culturel. Il est temps de tirer des conclusions qui seraient applicables aux autres nations, celles qui pâtissent de n’être pas la Suisse.

On songe en particulier à un pays proche, qui cumule les différences. Il suffit de franchir la ligne de crête du Jura pour découvrir un autre monde. C’est le même peuple, parlant le français, dans le même environnement géographique, mais les institutions font toute la différence. La France a un taux de chômage, qui est plus du double de celui de la Suisse. Tous les matins 300 000 frontaliers franchissent la frontière dans un seul sens. En Suisse, le PIB par habitant est de 81 276 $ et le salaire mensuel moyen de 7 765 $, le plus élevé du monde. En France respectivement de 44 099$ et de 3 976 $. Cet écart, du simple au double, doit être corrigé par une évaluation du pouvoir d’achat effectif, qui n’est pas aussi démesuré.

La France vit sous le régime d’une monarchie élective, qui exerce un pouvoir rassemblé dans les mains de son président. Les corps constitués forment une noblesse méritocratique recrutée sur base de concours. Manifestement cela fonctionne moins bien que la démocratie directe helvétique. Même si le monarque individuel est intelligent et bien disposé, même si les énarques sont très adroits, le peuple français conteste régulièrement le pouvoir par des manifestations, des grèves et des émeutes, qui paralysent les meilleures réformes. Quand le souverain populaire, qui existe toujours et partout, ne peut s’exprimer par les urnes, il le fait dans la rue. C’est indigne d’un Etat et cela obère l’avenir pour très longtemps.

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