Une chronique politique sans parti pris

L’AVS aux soins palliatifs

Le 19 mai 2019 le peuple suisse s’exprimera sur la Loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA). Le référendum estime entre autres que cette loi fait obstacle à des réformes structurelles de la prévoyance vieillesse.
Deux milliards supplémentaires seront versés à l’AVS par an. Environ 800 millions de francs seront versés par la Confédération, c’est-à-dire les contribuables, et le reste sera financé par les entreprises et les assurés. En principe le système de pension par répartition distribue chaque année aux retraités les cotisations versées par les actifs. Ce système permet-il de garantir à ceux qui ont cotisé toute leur vie qu’ils percevront la rente promise, lorsqu’ils prendront leur retraite, au bout de quarante ans ?
La réponse est positive, sous deux conditions obligatoires : la durée de vie ne s’allonge pas ; les générations se succèdent sans variation de leur nombre. Or, la durée de vie se prolonge tandis que le nombre de naissances est en déficit d’un tiers par rapport au renouvellement des générations. Aucune des deux conditions nécessaires n’est vérifiée.
C’est donc non. Le problème tel qu’il est posé est insoluble. Il faut en changer les données. On a le choix entre quatre solutions : allonger la durée de la vie active ; relever les cotisations ; diminuer les rentes ; introduire des travailleurs étrangers. On peut tourner l’équation dans tous les sens : le problème reste insoluble aussi longtemps qu’on ne change pas au moins une de ces quatre données.
Depuis la création du système jusque maintenant, sur plus d’un demi-siècle, la durée de survie à 65 ans a doublé, de dix à vingt ans. Même si le taux de naissance était resté stable, il faudrait : soit augmenter de dix ans la durée du travail ; soit diminuer les rentes de moitié ; soit doubler les cotisations. Aucune de ces solutions n’est politiquement réaliste, car elles ne passeraient pas en votation.
Dans la loi soumise à votation, les deux milliards proviennent d’une part de cotisations légèrement augmentées, d’autre part du budget de la Confédération, alimenté forcément par les impôts et taxes de tout le monde. Il y a un autre paramètre bien caché : l’immigration continue permet de ne pas réduire la proportion d’actifs par rapport aux retraités. Et enfin deux paramètres ne sont pas touchés du tout : le montant de la rente car elle déjà bien en-dessous de ce qu’elle devrait être ; la durée du travail ou l’âge de prise de pension car son augmentation est une mesure extrêmement impopulaire.
Or le principe de base était au départ d’assurer le premier pilier avec les cotisations des travailleurs. Ce n’est plus du tout le cas. Le quart des dépenses de l’AVS est déjà fourni par le budget de la Confédération. Subventionner les pensions par les impôts de tous revient aussi à taxer les retraités et leur enlever d’une main ce qu’on leur donne de l’autre.
Vers 2050, l’espérance de vie à 65 ans atteindra 25 ans ou même plus. Le déficit de financement deviendra insupportable. L’augmentation des taxes ou des impôts tout autant. Il faudra bien, tôt ou tard, affronter le problème de la durée du travail. Le parti qui s’y risquera commettra une sorte de suicide politique. En attendant, le 19 mai le peuple suisse est  invité à mettre l’AVS sous soins palliatifs.

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