Une chronique politique sans parti pris

L’implacable leçon du Brexit

 

Depuis des mois, le Brexit fait l’objet d’une chronique quotidienne dans les médias. Teresa May n’arrête pas de tenter de réconcilier l’inconciliable : la demande des Britanniques, qui ne savent pas ce qu’ils veulent, avec le front uni des Européens qui savent très bien ce qu’ils ne veulent pas, un pays qui bénéficie des avantages de l’UE sans en supporter les charges. Ce psychodrame continental a permis de souder l’union des 27 pays de l’UE et de dévoiler les discordances de l’opinion publique britannique.

Cet épisode n’est pas sans enseignement pour la Suisse. Par le vote de 1992 une courte majorité de Suisses a refusé d’entrer dans l’Espace Economique Européen. C’est le symétrique de la courte majorité britannique pour sortir de l’UE.
De même la répartition sociologique des partisans ou des opposants à l’Europe est identique dans les deux pays. Sont contre, les classes modestes, les citoyens les plus âgés ou les moins éduqués, les zones industrielles frappées par la mondialisation, les campagnes ravagées par la libre circulation des produits agricoles. En sens inverse, les jeunes, les plus instruits, les citadins sont pour l’Europe. On pourrait tirer la même conclusion pour le mouvement des gilets jaunes en France.

Ceux dont le sort matériel se détériore cherchent un bouc émissaire dans la superstructure administrative de Bruxelles. Il n’y a pas d’Europe possible sans délégation de certains pouvoirs au centre, sans mainmise d’une administration fédérale, qui devient un moteur d’unité à marches forcées, ne serait-ce que pour défendre ses intérêts catégoriels. Refuser cette tutelle, c’est se précipiter dans une aventure tellement risquée qu’il y a un exode hors de la Grande -Bretagne. L’insécurité du droit et l’instabilité économique ne font pas l’affaire des entreprises ou des particuliers qui ont le choix.

Il reste à évoquer la nostalgie d’un passé en partie fantasmé. Beaucoup de Britanniques se souviennent des heures de gloire de leur pays qui était voici un siècle le plus vaste empire mondial, qui a résisté tout seul aussi bien à Napoléon qu’à Hitler, qui a empêché avec constance toute création d’un empire continental. Jamais dans l’Histoire un seul peuple n’a aussi bien réussi. De même les Suisses se souviennent de leur capacité à résister à l’étranger depuis les Habsbourg jusqu’au même Hitler. L’Angleterre comme la Suisse sont des prototypes historiques de l’indépendance nationale, des objets de croyances aussi enracinées et irrationnelles que les religions.

Reste à évaluer la réalité actuelle, dans toute sa cruelle simplicité. Le monde est dominé par des Etats démesurés, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, peut-être le Brésil ou l’Inde. L’UE a la même taille et peut discuter d’égal à égal, obtenir des concessions ou exercer un chantage crédible. Elle est donc en position de se montrer dure dans les négociations avec le pays qui veut la quitter et avec celui qui ne veut pas y entrer et elle exerce avec inflexibilité cette position dominante. On peut y opposer un discours pleurnichard, moraliste ou revendicateur. Cela ne changera pas le résultat. La leçon est maintenant claire : il n’est pas possible d’être à la fois dedans et dehors de l’UE. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Il faut que des gouvernants forts s’engagent mutuellement. Or la Conseil fédéral n’en est pas un. Donc il tergiverse, procrastine, ruse, retarde car il est aux ordres du peuple souverain. A celui-ci de décider, dans un avenir pas si lointain, ce qui arrange au mieux son opinion.

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