Une chronique politique sans parti pris

Le mitage des esprits

 

Selon le dictionnaire, le terme mitage désigne uniquement la prolifération anarchique des logements en milieu rural ou campagnard. Nous serons appelés à voter sur une initiative en février, qui imposerait que toute extension de la zone à bâtir soit compensée par la soustraction à cette zone d’une surface rendue au domaine agricole. Il s’agit moins de mitage que de refuser définitivement l’extension de la zone à bâtir. C’est le prototype des initiatives généreuses et radicales que proposent de jeunes politiciens en quête de visibilité, en ce cas les Jeunes Verts.

Sommes-nous réellement menacés par un bétonnage irréversible du territoire ? Quels sont les faits ? Tout d’abord, la LAT vise déjà à éviter le « mitage » proprement dit. Mais elle ne gèle pas définitivement l’ensemble de la zone constructible. Pourquoi ? Parce que la population continue à croître, de près d’un million et demi entre 1998 et 2018. Malgré une natalité déficiente, l’immigration compense et au-delà le risque de dépeuplement. Il faut bien loger ce million et demi, non pas n’importe où, mais à proximité de son travail. On ne peut donc rien geler définitivement. Cela n’a pas de sens sinon pour exalter de jeunes esprits.

Menacé par les constructions actuelles, la Nature régresse-t-elle ? C’est le contraire. La surface forestière qui atteint 10 037 km2  croit chaque année de 54 km2, sur des surfaces agricoles qui ne sont plus exploitées. Le nombre d’exploitations agricoles diminue rapidement, mais ce n’est pas faute d’espace : la superficie exploitée croit par entreprise. Au total la surface agricole atteint 13 367 km2 contre 3 214 km2 pour la surface bâtie y compris les infrastructures. Au total, avec les alpages, la Suisse consacre 35.8% de son territoire à l’agriculture contre à peine 7.5% de surfaces bâties. Il n’y a donc pas péril en la demeure, si l’on considère le rapport réel et non celui fantasmé dans des déclarations aussi généreuses qu’inconsistantes. On peut parler non d’un mitage du territoire mais d’un mitage des esprits, ignorants volontaires de certains faits bien établis : la Suisse n’est pas en voie de bétonnage, il ne faut pas ajouter une loi à celle qui existe déjà.

Au lieu de vouloir entasser une population croissante dans des clapiers à lapin, toujours plus élevés, on pourrait se fixer d’autres objectifs. Par exemple, admettre que l’idéal de la plupart des familles est d’avoir une maison avec un bout de jardin plutôt que 65 m2 au dixième étage, sans contact avec la nature. Même si cet idéal n’est pas accessible à toutes les familles, faute de moyens, même si cela fait enrager les planificateurs du territoire, ne pourrait-on pas œuvrer à s’en rapprocher ? Si les habitants ont l’occasion de cultiver des légumes et des fleurs, ils seront moins tentés de se précipiter sur les routes durant le WE ou encore de s’échapper dans des destinations exotiques par des trajets aériens bradés, en produisant des gaz à effet de serre. L’idéal, disait déjà Candide, est de cultiver son jardin : pourquoi ne serait-ce pas un droit inaliénable des Suisse ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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