Une chronique politique sans parti pris

Chronique ordinaire des coups tordus

 

Une coutume, bien ancrée dans la politique helvétique, consiste à couper toute tête qui commence à dépasser. Cela évite des excès ultérieurs, voire des violences allant jusqu’au guillotinage physique. C’est une sage tradition, qui de préférence promeut aux exécutifs les têtes vides, les desseins défaillants et les pusillanimités établies.

 

Dans les temps récents, Pierre Maudet, Pascal Broulis, Isabelle Moret, Géraldine Savary, Guillaume Barazzone, Yannick Buttet, Jérôme Christen ont fait les frais de cette aimable habitude. La dernière victime en date est Rebecca Ruiz, candidate au Conseil d’Etat vaudois à la succession de Pierre-Yves Maillard. Personne ne doute de sa compétence, de son expérience antérieure en politique, de son intelligence. Il y a même un peu trop de tout cela. Comme c’est la candidate idéale, il faut la fragiliser.

 

Puisque on ne parvient pas à mettre en doute son intégrité, sa stricte obédience aux règles internes du parti, ses relations, « on » a déterré une vieille histoire datant de cinq ans. Criminologue de formation (très suspect), elle a occupé un poste de consultante au Département de la formation vaudois, dirigé par une camarade de parti, Anne-Catherine Lyon, (encore plus suspect). Après avoir enchaîné trois CDD, il n’y avait plus moyen de prolonger sa consultance dans ce statut, parce qu’il est interdit de prolonger ce type de contrat. (Pourquoi ?)

 

Dès lors elle fut engagée selon un contrat fictif d’enseignante, avec un statut de détachée à 40%. Elle poursuivit sa mission à la satisfaction générale (de plus en plus suspect). Pour donner suite à cette mission et pour contrôler le harcèlement scolaire, un poste pérenne fut créé et des mesures prises.

 

« On » reproche à Rebecca Ruiz d’avoir accepté ce poste fictif pour remplir une mission bien réelle. Le Département de la formation, honteux, confus et culpabilisé a juré qu’il ne procèderait plus à ce genre de tour de passepasse administrative. Mais la candidature au Conseil d’Etat est fragilisée. C’était bien le but.

 

C’est à partir de ces faits que cela devient intéressant. Qui est ce « on », qui a déterré en premier lieu cette vieille affaire, qui est en position de connaître sous quel statut l’intéressée a été engagée ? Il y a trois hypothèses.

 

La première, banale, attribuerait ce coup bas aux opposants du PS, l’UDC et le PLR, qui ont adressé des reproches scandalisés à Ruiz, Lyon et le PS. Ce dernier parti, se drapant volontiers dans les plis d’une vertu intransigeante, ne pourrait pas se livrer à des manipulations administratives. Par ailleurs, on sait ou on devrait savoir que ces partis de droite ne se livrent jamais à ce genre de pratiques. La vertu est perpétuellement à droite et sa prétention toujours à gauche.

 

La seconde hypothèse est plus intéressante. Au sein du PS, un(e) concurrent(e) potentiel(le) de Rebecca Ruiz a utilisé cet expédient pour se promouvoir à sa s place. C’est très vilain mais ce ne peut être exclu, la nature humaine étant ce qu’elle est.

 

La troisième hypothèse, la plus probable, la plu simple, est qu’un journaliste a déterré cette vieille affaire pour son bénéfice personnel et celui de son site web.

 

On en est arrivé au point où il faudrait définir une infraction de viol de personnalité. Sinon, on finira par ne plus recruter dans les exécutifs que des gens qui n’ont pas les mains sales, pour l’excellente raison qu’ils n’ont pas de mains. Si Rebecca Ruiz n’avait pas exercé son métier de criminologue, tout cela ne serait pas arrivé.

 

Enfin pour conclure, d’où vient cette règle absurde, selon laquelle on ne peut pas attribuer plus de trois CDD consécutifs. Il y a des missions de consultance qui méritent d’être prolongées sans devoir faire de l’acrobatie administrative. Qui a inventé cette règle mesquine ? Ne serait-ce pas la gauche elle-même, obsédée par le mérite supposé du CDI par rapport au CDD? A l’origine de cette règle imbécile, ne serait-ce pas son obsession maladive de l’emploi à vie dans une économie nationalisée?

Suite du feuilleton au prochain numéro.

 

 

 

 

 

 

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