« Le PS appelle notamment à réduire le temps de travail, pour une semaine de 35 heures, une mesure qui doit améliorer l’efficacité de l’économie ». Ce communiqué laisse rêveur. La logique qui relie ces deux propositions est étrange pour un esprit non averti. Le sens commun indique qu’en passant de 42 à 35 heures, on réduit la durée de 20% et que logiquement la production diminuera d’autant. Par ailleurs les frais fixes comme le loyer des locaux, l’investissement en équipement ne diminue pas. Toute autres choses égales, une entreprise perdra donc plus que 20% de son profit. Dès lors certaines entreprises marginales cesseront d’être rentables, fermeront leurs portes et supprimeront des emplois. Dans la situation actuelle beaucoup de commerces ferment déjà au centre des villes. Les charges sont trop lourdes et les salaires trop élevés.
Avec une durée hebdomadaire de 35 heures de travail, la France a un taux de chômage, qui est plus du double de celui de la Suisse. Tous les matins 300 000 frontaliers franchissent la frontière dans un seul sens. En Suisse, le PIB par habitant est de 81 276 $ et le salaire mensuel moyen de 7 765 $, le plus élevé du monde. En France respectivement de 44 099$ et de 3 976 $. Si les Suisses travaillaient aussi peu que les Français, cet écart se réduirait. Et les Suisses gagnant moins et produisant moins, consommeraient moins et pollueraient moins.
Dès lors la question sous-jacente est peut-être celle-ci : la gauche suisse est parfaitement consciente que pour enrayer le réchauffement climatique, il faut amorcer la décroissance. Elle serait alors parfaitement cohérente avec cet objectif, elle l’adopterait, mais elle devrait honnêtement l’annoncer aux électeurs. Or beaucoup de ceux-ci ont déjà de la peine à joindre les deux bouts avec le revenu de 42 heures de travail. Comment réduiraient-ils leur consommation de 20% au moins ?
Il faut appartenir à une classe privilégiée pour échapper à cette question angoissante et ne pas réaliser à quel point elle est poignante pour d’autres. Certes il y a moyen de manger plus simple, de moins se chauffer, de vivre dans un appartement plus étroit, de se passer de TV, de ne plus prendre de vacances. Mais il n’est pas toujours possible de se passer de la voiture qui est d’abord le moyen de locomotion pour se rendre au travail, qui est finalement un outil de travail. On le voit bien maintenant avec la révolte de gilets jaunes en France. Pour diminuer la pollution par les produits pétroliers, il ne suffit pas d’augmenter les taxes qui les frappent. Cela met des gens dans l’impossibilité de survivre économiquement.
Il y a donc une autre explication à cette proposition du PS. L’objectif n’est pas du tout qu’elle soit adoptée. Car si elle l’était, l’appauvrissement des électeurs les détournerait du parti coupable. En revanche si la durée du travail reste ce qu’elle est, mais que, dans l’imaginaire populaire, il serait possible de la réduire sans inconvénient et que seul le PS a la lucidité et le courage de le proclamer à haute voix, alors le bénéfice électoral sera tangible. Faut-il chercher plus loin ? Il est toujours utile d’agiter le peuple avant de s’en servir et de se servir soi-même.
La méthode PS est donc symétrique de celle de l’UDC. Pour prospérer à une extrémité de l’espace politique, il faut recruter sans discernement par des propositions dites populistes, de fait démagogiques.