Une chronique politique sans parti pris

Le travail n’est pas un supplice

La Conférence suisse des institutions d’action sociale propose de prolonger au-delà de deux ans le droit à une rémunération décente pour les chômeurs de plus de 55 ans et surtout de les faire bénéficier de l’appui continué des Offices régionaux de placement. L’indemnité de chômage serait remplacée par une « prestation complémentaire pour personnes âgées ».

 

Certes, le changement de vocabulaire ne modifie pas la charge globale pour les finances publiques, c’est-à-dire en dernier recours les travailleurs contribuables. Mais cela éviterait que les chômeurs âgés tombent à la charge de l’aide sociale. Celle-ci a augmenté de 50% entre 2010 et 2016. Elle implique que le bénéficiaire soit contraint de vendre appartement et voiture, s’il les possède, et de liquider ses économies. C’est un système choquant et humiliant.

 

Au-delà de 55 ans, la perte de l’emploi est souvent grave : il est difficile de trouver une nouvelle embauche. La proportion de chômeurs de longue durée s’élève à 56%. Il faut combattre l’opinion commune selon laquelle les travailleurs seniors seraient par nature, par choix, par incapacité plus que d’autres frappés par le chômage. Plusieurs autres causes agissent que l’on pourrait supprimer.

 

1/Cela provient en partie de leur coût plus élevé. Les cotisations sociales croissent avec l’âge dans le système actuel, de 7 % du salaire assuré de 25 à 34 ans ; jusqu’à 18 % de 55 à 65 ans. Bien évidemment, les entreprises rechignent à engager des travailleurs âgés : ils ont plus d’expérience mais ils coûtent plus cher. Ce tarif absurde aurait dû être corrigé depuis longtemps.

 

2/Les travailleurs âgés seraient-ils en moins bonne santé ? La survie en bonne santé pour les personnes au-delà de 65 ans est actuellement de 12,5 ans pour les hommes et de 12,9 ans pour les femmes. Donc l’âge de référence pour la prise de pension aurait déjà pu être fixé par la loi à 77 ans. On se garde bien de mentionner cette échéance car celle de 67 ans, appliquée ailleurs, est déjà impopulaire en Suisse. La croissance de l’espérance de vie est un avantage qui implique un changement de mentalité.

 

3/ Par ailleurs le travail des seniors n’engendre pas le chômage des jeunes, autre objection coutumière, sauf à supposer que le total des emplois d’un pays soit une constante fixée une fois pour toutes par une loi de la Nature. En travaillant plus longtemps et en s’assurant un revenu plus élevé, le senior dépense plus et crée des emplois. On n’augmente pas la richesse d’un pays en dissuadant de travailler ceux qui en ont encore la capacité et l’envie.

 

4/ Le maintien dans la vie active des seniors postule surtout une révision de la loi sur la formation continue. Selon le concept actuel, celle-ci la confie à la seule responsabilité de l’individu, sans prévoir ni congé légal, ni participation financière de l’employeur. Dans un contexte technique en évolution rapide, cette lacune légale entraîne une dégradation inévitable de la compétence avec l’âge, d’où la difficulté de se recaser. Ainsi l’informaticien privé d’emploi pendant deux ans a déjà, de ce seul fait, perdu une part de compétence dans une discipline qui évolue rapidement. C’est une carence grave de la Confédération de n’avoir pas compris que les métiers évoluent rapidement, ne serait-ce que du fait de la numérisation. Ne pas donner aux travailleurs les moyens de se réorienter mène directement à ce chômage incompressible des personnes âgées, qui ne doit pas être considéré comme une fatalité.

 

Pour changer les mentalités, il faudrait oser aborder de front une question de fond : les emplois sont-ils seulement une punition, un fardeau, un supplice, qu’il faut arrêter dès que possible ? Si la réponse est positive pour certains métiers, il faut s’en préoccuper. Mais pour les autres professions, il faut donner la liberté et prévoir les incitations pour que tous ceux qui le désirent puissent continuer à produire de la richesse au bénéfice de tous.

 

 

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