Une chronique politique sans parti pris

Le concept d’heures de bureau en sécurité aérienne

 

Jusqu’à présent la police de l’espace aérien suisse n’était assurée par l’aviation militaire que durant les heures de bureau, soit de 8h à 12h et de 13.30h à 17h. Cela permettait aux pilotes de ne pas se lever trop tôt, de ne pas se coucher trop tard et de déjeuner à leur aise. Cette limitation fut justifiée par la pénurie de pilotes.  Afin pallier ce déficit de personnel, le Conseil fédéral propose maintenant de commencer par dépenser huit milliards pour de nouveaux appareils. Pour les pilotes on verra plus tard, mais c’est promis, dans un avenir lointain la sécurité sera assurée 24h/24, comme si c’était vraiment important.

Premier pas dans la bonne direction, la police aérienne sera désormais assurée de 6h à 22 h car, plaide-t-on, c’est dans cet intervalle que  se produisent 90% des déplacements aériens. Les dix pourcents non couverts semblent ne pas poser de menaces. La Suisse aurait-elle conclu une convention en ce sens avec Daesh ?

Deux avions seront disponibles à Payerne, capables de décoller en 15 minutes. Est-ce suffisamment rapide pour déjouer un détournement par des terroristes ? Faut-il dès lors consacrer huit milliards à l’achat d’une nouvelle flotte ? Le peuple décidera mais il serait opportun de l’éclairer au préalable. Car d’inévitables questions restent ouvertes.

En dehors de ces sept heures et demie de police assurée, l’espace aérien n’était contrôlé jusqu’ici que par le service de surveillance Skyguide. D’où une question inévitable : si cela suffit les deux tiers du temps, pourquoi ne pas s’en satisfaire 24h/24, ce qui coûterait nettement moins cher ?

Cependant Skyguide ne permet pas d’intercepter des avions en voie de divagation. Depuis le 11 septembre 2001, on sait ce qu’il peut en coûter : 2763 morts à New York, l’humiliation infligée à la plus puissante nation du monde. Cela soulève une autre question embarrassante : comment se fait-il que l’aviation militaire de Etats-Unis n’ait pas réussi à intercepter un seul des quatre Boeing 767 qui ne suivaient plus leur plan de vol ? Cela tendrait à prouver que ce n’était pas possible même avec des intercepteurs déjà en l’air. Question annexe :  qui prendra en Suisse la décision d’abattre délibérément un avion civil détourné avec ses passagers, en étant incertain de son objectif ?

L’attaque d’objectifs situées en Suisse ne peut être exclue et elle justifie des précautions adéquates. Mais lesquelles ? C’est déjà arrivé le 17 février 2014 avec un avion d’Ethiopian Airlines détourné par son copilote sur Genève. Comme c’était en dehors des « heures de bureau » suisses, l’avion détourné fut escorté par les Italiens, puis par les Français, qui ont l’air de travailler à n’importe quelle heure. Fort heureusement, ce pilote éthiopien demandait simplement l’asile politique et ne nourrissait pas la mauvaise idée de s’écraser sur les locaux des Nations Unies. Mais on n’en savait rien avant qu’il ne se pose.

Cela soulève une troisième question : comment intercepter en Suisse un avion détourné vers l’Aéroport de Genève compte tenu de la faible distance de l’espace aérien entre Dardagny et Cointrin, parcourue en quelques minutes ? On pourrait poser des questions analogues pour l’aéroport de Bâle, situé en France, et celui de Zürich, proche de l’Allemagne. Ce rôle d’interception d’avions civils est-il tout simplement concevable sur un territoire exigu ?

L’interception d’un avion militaire est encore plus problématique. Sa traversée du territoire du Nord au Sud prend de l’ordre de huit minutes. Sauf si l’intercepteur se trouve déjà en vol sur l’itinéraire emprunté, la tâche semble impossible. En temps de paix, des avions militaires étrangers, sans munitions, peuvent traverser l’espace aérien helvétique après communication du plan de vol par voie diplomatique. Mais en temps de guerre, puisque nous ne cessons de nous préparer pour cette éventualité ? Ne serait-il pas opportun de rejoindre tout simplement l’OTAN ?

 

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