Une chronique politique sans parti pris

Admettre qu’il existe un problème sans solution

 

S’il n’y avait pas la Méditerranée, l’Afrique se déverserait aussitôt dans l’Europe. Il reste la traversée risquée sur des esquifs précaires, qui envoient par le fond des milliers d’immigrants. La voie de terre est solidement bouclée dans les Balkans par des barbelés. Mais le problème demeure entier. Que faire d’un continent bientôt peuplé de deux milliards d’affamés aux portes d’une Europe prospère, calme, pacifique ? Elle s’est de plus encombrée d’une idéologie, dite des Droits de l’Homme, qui lui fait obligation légale de recueillir les réfugiés politiques. Si elle le faisait vraiment, en ouvrant ses postes diplomatiques à des demandes de visa, plusieurs millions d’Africains pourraient légitimement demander l’asile et débarquer dans les aéroports. Elle ne le fait donc pas, elle viole ses valeurs, elle culpabilise secrètement.

La faille existentielle de l’Europe est la contradiction entre sa prétention à une vertu universelle et la sinistre réalité du monde tel qu’il est.  Dès lors, l’édifice des institutions du continent risque de s’effondrer parce que son inspiration est utopique. Au nom de quoi soutenir péniblement des pays de l’Est ruinés par le communisme en y dépensant des fonds qui manquent par ailleurs pour la population de l’Occident, en manque de logement, de formation, de soins ? Le moins favorisé des citoyens d’une nation n’a-t-il pas un droit supérieur à celui d’un étranger ? Les pauvres d’ici ne passent-ils pas avec les pauvres de là-bas, surtout s’ils viennent de loin ? Car si la solidarité était exercée sans limite, elle déterminerait une politique de l’arrosoir, la pénurie généralisée.

Face à ce défi, il existe une échappatoire, pieusement ruminée par des politiciens hypocrites : on pourrait contenir l’immigration en aidant à développer les pays africains pour y créer des conditions de vie acceptables. Or, les programmes de développement ne manquent pas et ils sollicitent déjà un demi pour-cent des budgets des pays développés. Mais étrangement ils agissent à fin contraire. Dès que des Africains sont bien formés, dès que leurs conditions de vie commencent à s’améliorer, ils réalisent qu’ils pourraient atteindre immédiatement un niveau de vie bien supérieur en travaillant en Europe. Comment leur en vouloir ? Comment ne pas les comprendre ?

Ainsi il faut concevoir qu’il y existe des problèmes politiques sans solution, que l’on risque d’aggraver en créant une solution factice. Il faut admettre même à regret que l’Histoire est  fondamentalement tragique et qu’une tragédie se déroule donc sous nos yeux, sans que nous puissions intervenir au-delà de nous donner bonne conscience. Le luxe des nantis est de pratiquer une charité convenablement limitée par la préservation de leurs privilèges. Mais comme c’est compliqué, cela donne l’impression que la politique européenne cafouille. Si d’aventure une Angela Merkel applique ses beaux principes, elle abandonne le pouvoir à ceux qui les refusent. Les Droits de l’Homme se révèlent malheureusement inapplicables à tous les hommes.

Le vrai bonheur de la Suisse est de ne pas comporter de rivages sur la Méditerranée. Le problème ne se pose donc pas pour nous.

 

 

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