Une chronique politique sans parti pris

Les mauvaises habitudes et les bonnes

 

 

L’afflux de migrants africains disloque littéralement l’Europe. Un sommet des dirigeants vient de se réunir à Bruxelles sans aucun résultat pour la répartition des réfugiés entre les pays.  Il y avait sept chaises vides : Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque, les trois pays baltes. Tout l’Est de l’UE refuse d’accepter quelque réfugié que ce soit. Ou bien pratique la discrimination comme la Hongrie, qui supporterait très éventuellement les réfugiés chrétiens. Des barbelés ont refait leur apparition pour clore les frontières. Et cependant l’Est de l’Europe se dépeuple par migration vers l’Ouest : les pays baltes ont perdu jusqu’à un quart de leur population en trente ans.

Depuis 1945 l’Europe occidentale a vécu en paix, ce qui constitue déjà une singularité historique. La politique sociale y a enregistré de grands progrès. Après l’horreur de deux guerres mondiales, quelques visionnaires comme Schumann, de Gasperi, Adenauer, de Gaulle ont compris qu’il fallait renoncer au nationalisme aveugle, se réconcilier entre les peuples, pratiquer la solidarité entre les classes sociales. On a parfois baptisé d’Europe vaticane, ce mouvement de fond, car c’était revenir aux véritables racines chrétiennes du continent. En effet ce n’était pas du tout chrétien  de tuer son prochain (que l’on est censé aimer comme soi-même) sous le seul prétexte qu’il portait un uniforme d’une autre couleur. Ou d’exploiter la main d’œuvre ouvrière.

Or le nationalisme revient. Le vieux monde rapplique. Angela Merkel a prouvé, bien malgré elle, qu’accepter un million de réfugiés, parce que l’on est la fille d’un pasteur, c’était faire le lit de la résurgence d’une nationalisme avoué (Alternative pour l’Allemagne) ou sournois (Union chrétienne sociale en Bavière). Même schéma en Italie. Le Royaume Uni quitte l’UE parce que l’immigration polonaise irrite sa population autochtone. Les nobles discours ne convainquent plus les masses, qui aspirent au chacun pour soi et Dieu pour tous. Il faut préserver les racines chrétiennes en refusant une invasion musulmane. Car la pureté du sang l’emporte sur la charité.

Mais de quelles racines s’agit-il au fond ? Du culte de l’Etat sacralisé par une religion prétexte, dont on trahit l’essentiel pour se satisfaire des apparences : les rites, les traditions, le code. Telles furent nos racines : le christianisme dévoyé en religion d’Etat. La France d’un Louis XIV était confite en dévotions : églises, musique, littérature, sermons. Mais le roi avait son harem, les paysans étaient exploités et les soldats se faisaient massacrer sur les champs de bataille. Et pour assurer l’homogénéité de la nation, en 1685 les réformés furent expulsés massivement, les pasteurs exécutés, les hommes envoyés aux galères. Ce fut l’honneur de la Suisse d’accepter ces réfugiés. Ce fut aussi son avantage car c’étaient des artisans et des commerçants, des travailleurs qualifiés. Il y a aussi parfois de bonnes habitudes. Il ne faudrait pas qu’elles se perdent.

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