Une chronique politique sans parti pris

L’esprit de démission

 

Dans la gérance d’un pays surgissent deux types de problèmes. Les premiers se résolvent tout seul par routine, usage, coutume : il n’est pas nécessaire de gouverner, il suffit de laisser couler. Les autres problèmes sont insolubles par nature, par le refus du peuple, par l’impuissance du gouvernement, par la cabale des partis : les relations de la Suisse avec l’UE, l’assurance maladie, les pensions, le trafic de drogue, le blanchiment des capitaux douteux, les banques too big to fail, les banquiers too big to jail…

C’est le véritable terrain de la politique, qui est l’art de simuler une fausse solution et de la rendre crédible aux yeux d’une majorité du peuple. A cette fin tous les moyens sont bons : le mensonge effronté, l’embrouille par la complication des textes, la dissolution des données dans le flou, la rétention d’information, l’abandon des valeurs prétendument sacrées, la violation de la constitution, le déni grossier de droit.

Cette dernière astuce devient la plus commune. Ainsi le droit de la mer impose à tout navire de sauver des naufragés en les recueillant et en les conduisant au port le plus proche. Ce droit imprescriptible est allègrement violé en Méditerranée, si les naufragés sont Africains. Les bâtiments des humanitaires qui pallient les marines militaires sont accusés de trafic et interdits d’accoster. Il y a dans cette violation du droit un aspect énorme : si ce déni juridique est possible, tout peut finir par arriver : séparation des enfants de leur famille, internement administratif, organisation de camps de concentration, discrimination fondée sur la religion, la couleur de la peau, le sexe, la nature du passeport. La Seconde Guerre mondiale a fourni un répertoire sans limite.

Quand les autorités constituées abandonnent les règles impératives du droit parce qu’elles sont débordées par la situation, on peut parler d’un esprit de démission. L’élu baisse les bras, tolère le pire ou même l’encourage. A la modeste échelle de la ville de Lausanne et de la vente de drogues en rue, toutes les suggestions vont dans le sens de la démission : local d’injection, contrôle de qualité du produit, légalisation de la drogue, prétendue impossibilité de réprimer le trafic, minimisation des conséquences sanitaires. Le problème devient un non-problème, les plaignants sont ridiculisés, les trafiquants sont excusés, la police est soupçonnée d’excès de pouvoir, les accusateurs sont soupçonnés de racisme.

La suggestion la plus sensationnelle, portée au parlement fédéral, propose d’interdire à la police de réprimer le trafic dans certains quartiers, pour y cantonner vendeurs et acheteurs. Ce libre marché du délit correspondrait à un abandon des règles du droit, à une entrave à la police et à la justice, à une libéralisation de la drogue. Il signifie que l’esprit de démission l’emporte même au législatif fédéral.

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