On connaît les plus célèbres : le mur entre Israël et la Cisjordanie, 463 km contre le terrorisme ; ceux de Ceuta et Melilla avec le Maroc, doublés d’un mur sur le territoire marocain, d’un fossé entre les deux et de projection automatique de gaz lacrymogène ; le plus long est entre les Etats-Unis et le Mexique soit 1 100 km que Trump se propose de compléter ; celui de 155 km entre la Hongrie et la Serbie. On ignore en revanche l’étendue planétaire du phénomène : il n’y a pas moins de 70 murs s’étendant sur 40 000 kilomètres, soit l’équivalent de la circonférence de la Terre.
Lorsque le Mur de Berlin s’est effondré en 1989, on a estimé trop vite que c’était la dernière verrue politique. Comme ce symbole du communisme a déconsidéré celui-ci et a entraîné sa chute, on a pensé que la construction d’une frontière fermée constituait un aveu d’impuissance, auquel aucun gouvernement ne succomberait. En fait ce mur-là avait pour objectif inavouable d’empêcher les bienheureux habitants d’Allemagne de l’Est de fuir leur prétendu bonheur. C’était l’équivalent de l’enceinte d’une prison. Il n’en reste plus qu’un seul de l’espèce, la zone démilitarisée entre les deux Corée, infranchissable par la pose de mines. C’est la dernière frontière de type idéologique, qui empêche les gens de sortir.
Les murs construits depuis ont une autre fonction, empêcher d’entrer. Ce sont les remparts que les pays riches érigent contre l’immigration provenant des pays pauvres. Le plus long de ces remparts est le fossé constitué par la Méditerranée. Les migrants qui n’ont pas accès à un passage régulier sont obligés de risquer leur vie sur des embarcations précaires. Mais tous les autres remparts construits orientés vers le Sud jouent le même rôle. L’attrait de l’Europe pour les Africains et des Etats-Unis pour les Latinos est déterminé par l’écart gigantesque entre les revenus de part et d’autre.
Il y a de lointains précédents historiques. L’empire Romain a construit le mur d’Hadrien pour se protéger de l’Ecosse. La Chine a construit la Grande Muraille de 6 259 km, la plus grande construction jamais entreprise par les hommes. Cela n’a pas empêché ces deux empires de s’effondrer, tout comme le régime communiste. Construire un mur est un aveu d’impuissance politique, d’incapacité d’entretenir une relation pragmatique avec le pays voisin. C’est une manifestation de peur et de faiblesse. Cela empêche le franchissement physique de la frontière, cela dramatise sa signification politique.
Ceci ne signifie pas qu’il existe des solutions alternatives. La mauvaise volonté réciproque entre Israéliens et Palestiniens empêche la résolution du conflit qui les divisera probablement très longtemps. De même un milliard d’Africains sont bien incapables de construire des Etats de droit, stables, sans corruption généralisée, sans guerres civiles. Même si ce continent regorge de ressources, le peuplement actuel est et sera pour longtemps incapable de les exploiter. L’attrait de l’Europe est irrésistible, non seulement pour des réfugiés politiques fuyant la violence, mais aussi et surtout pour des migrants économiques. Il s’agit d’une énorme bombe à retardement, celle d’une invasion massive, contre laquelle aucun mur ni aucune loi ne peut protéger.