Une chronique politique sans parti pris

Une question à ne pas poser

La démission spectaculaire et collective des évêques chiliens marque une étape dans la lutte contre la pédophilie. Comme l’a souligné le pape François, ce n’est plus l’affaire de quelques individus ayant fauté, mais de l’Eglise toute entière, à commencer par le pape lui-même. A juste titre, il a pointé le sentiment de supériorité instillé au clergé lors de sa formation, qui peut dévier en permissivité générale, en refus de la loi civile, en conspiration du silence. Une certaine identification du prêtre avec la figure du Christ est sous-jacente à ce sentiment, de même qu’elle l’est dans le refus d’ordonner des femmes incapables de s’identifier à un homme. Mais il est une explication beaucoup plus banale, qui n’est jamais évoquée. Quelle est la relation entre le célibat ecclésiastique et la tentation de pédophilie ?

Il suffit de formuler cette question pour qu’elle soit aussitôt écartée par l’affirmation indignée, qu’il n’y a évidemment aucun rapport et que l’on est hors sujet. Certes, la pédophilie est une perversion qui affecte toutes les couches de la population, à commencer par les familles mais aussi toutes les organisations mettant en contact adultes et enfants, par exemple les clubs sportifs ou les écoles. Cette débauche n’est ni une exclusivité de l’Eglise catholique, ni le péché de la grande majorité du clergé.

Cependant, il serait instructif de comparer des choses comparables, en scrutant la situation des Eglises réformées, orthodoxes et anglicanes là où elles coexistent. Quelle est la fréquence respective des cas dans les pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, les Etats-Unis ? On éprouve le sentiment vague qu’une telle comparaison serait peut-être défavorable aux Eglises catholiques. C’est une raison pour l’investiguer et non pour l’éviter.

On pourrait continuer la recherche par des enquêtes plus poussées sur le déroulement de ce drame dans des cas particuliers. Le célibat ecclésiastique constitue un obstacle à toute relation affective entre une femme adulte et un prêtre. Or, celui-ci peut très normalement éprouver le besoin d’une affectivité. Or, cet interdit ne pèse pas sur la relation entre un prêtre et un enfant. Est-ce par cet interstice que la tentation, puis la faute se glisse ? Comme il est impossible de répondre à cette interrogation, il est d’autant plus urgent de l’investiguer.

Si une enquête sérieuse révélait que les cas de pédophilie dans le clergé catholique, de rite occidental, sont proportionnellement plus nombreux que dans le clergé réformé ou anglican, s’il était établi que le célibat ecclésiastique constitue une mise en tentation, même pour des hommes qui ne sont au départ pas soumis à cette attirance, alors un grand pas serait fait. Car ni le célibat obligatoire des hommes, ni le refus d’ordonner des femmes par l’Eglise catholique ne seraient plus tolérables. Le courage qui manque pour corriger ces anomalies serait remplacé par une évidence, qui dicterait une réforme inévitable.

Cela résoudrait aussi une autre contradiction : les cantons suisses subventionnent avec l’argent public les Eglises chrétiennes. L’une d’entre elles écarte les femmes de certains postes réservés à des hommes non mariés. Est-ce bien cohérent avec le reste de la législation ?

Quitter la version mobile