Une chronique politique sans parti pris

Bulle hypothécaire et initiative Monnaie Pleine

Les Suisses sont les champions mondiaux de l’endettement hypothécaire, avec 98 340 francs par habitant. Deux fois plus qu’un Américain et quatre fois plus qu’un Allemand. Le montant total des crédits hypothécaires atteignait l’an dernier le niveau jamais atteint de 614,244 milliards de francs, ce qui représente 103,6% du Produit Intérieur Brut annuel. Il s’agit d’une bulle qui peut éclater si le taux d’intérêt ne reste pas à son niveau très bas. Tel est l’avis du Département fédéral des finances :

« Un taux d’endettement élevé expose fortement les ménages à certains risques, comme celui d’une hausse marquée des taux d’intérêt. La baisse de la valeur vénale en cas d’accroissement des taux pourrait déstabiliser le marché immobilier si la capacité de nombreux ménages à supporter les dettes était dépassée. Il faut donc éviter toute incitation de politique financière qui encouragerait un endettement excessif des ménages.»

Cette montagne de dettes est en partie artificielle. En contrepartie de l’imposition de la valeur locative, le propriétaire peut déduire de sa déclaration fiscale les intérêts qu’il débourse sur sa dette hypothécaire et les frais d’entretiens de son immeuble. Du coup, d’un point de vue fiscal, il a donc intérêt à maintenir une dette et à payer des intérêts, afin de compenser l’imposition de la valeur locative. C’est une spécificité suisse qu’aucun autre pays ne connaît.

D’où vient cette masse monétaire ? Elle a été créée par les banques qui consentent les prêts, c’est-à-dire de la monnaie scripturale, ce qui nous amène à l’actualité de la votation du 10 juin sur l’initiative Monnaie Pleine. Celle-ci restreint à la seule BNS la création de monnaie et prive les banques de leur capacité de créer de la monnaie scripturale. Si elle passe en votation, ce genre de bulle ne pourra plus se créer.

Le pronostic est favorable. Selon un sondage, 57% des Suisses voteraient pour une initiative qui n’autoriserait que la BNS à produire de l’argent, et l’interdirait aux banques. Or les citoyens ne savent pas comment l’argent en circulation est créé. Seuls 13% des Suisses savent que les banques commerciales créent la plus grande partie (90%) de la monnaie en circulation. Toutefois, 78% de la population suisse veut que l’argent ne soit produit et distribué que par une unique institution publique d’intérêt général comme la Banque nationale.

Néanmoins, toutes les autorités constituées s’opposent à cette initiative. Au parlement les majorités rejetantes ont été impressionnantes. Le Conseil des Etats a refusé le texte par 42 voix contre zéro et une abstention ; le Conseil national par 169 voix contre 9 et 12 abstentions. Il est rare d’assister à une telle unanimité de tous les groupes politiques contre une initiative populaire.

On sait aussi que certains partis dépendent fortement pour leurs budgets électoraux du soutien de l’économie en général. C’est ce biais qui explique sans doute qu’il y ait une telle contradiction entre la volonté du peuple et la position du parlement fédéral. Les citoyens ont gardé le pénible souvenir de cet automne 2008 où la Confédération a dû prêter dans l’urgence six milliards à l’UBS et où la BNS a dû se charger de près de 40 milliards de fonds subprimes qui correspondaient à des prêts hypothécaires inconsidérés aux Etats-Unis. Si l’initiative Monnaie Pleine passe, la Confédération ne sera plus obligée de sauver une banque de la faillite puisque les comptes des déposants ne seront pas impliqués dans la faillite et que trafic des paiements pourra se poursuivre.

 

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