Une chronique politique sans parti pris

Il n’y a pas de médecine gratuite

La CSS propose une franchise obligatoire de 10 000 CHF sur l’assurance maladie. Cela ressemble à une provocation gratuite, mais c’est une proposition pleine de ce bon sens qui est à la base de tout cynisme. Si cela était appliqué, forcément les patients hésiteront à se faire soigner puisque la plupart du temps ce serait à leurs frais. Et ceux, qui ne peuvent pas débourser quoi que ce soit pour leurs frais de santé, ne se soigneront plus du tout. Cela fera des morts prématurés qui présentent l’avantage de ne plus rien coûter. Cela diminuera aussi l’espérance de vie et donc les dépenses de l’AVS. C’est donc une solution réaliste, malgré son cynisme.

Bien entendu on prétend simultanément assister les plus démunis. Avec de l’argent public forcément. On arrivera à la solution extrême : la masse des patients payera directement ses soins ordinaires et ne recourra à l’assurance que pour des dépenses majeures comme une lourde opération. A l’autre extrémité de l’échelle sociale, les plus démunis ne paieront rien du tout et seront soutenus par l’argent des impôts de tous. On arrivera donc à une médecine à deux vitesses dont on peut spéculer que la première sera meilleurs que la seconde.

Les argentiers publics ne savent plus comment réaliser les nécessaires économies. Le financement de la Santé Publique leur apparait comme la quadrature du cercle. Il faudrait que tout le monde soit le mieux soigné possible, mais il faudrait que cela coûte le moins possible. Il faudrait que la médecine fasse des progrès, mais il ne faudrait pas que cela engendre des coûts supplémentaires. Il faudrait que la médecine prolonge l’espérance de vie mais il en faudrait pas que les gens âgés consomment de plus en plus de soins coûteux. Il faudrait. Mais. Telle est la contradiction entre tout idéal et la réalité.

Une longue vie est un bien qui ne pourrait dépendre du revenu. La Suisse partage cet idéal avec la plupart des pays développés, mais elle le gère dans le système actuel avec plus de réalisme. Les Etats-Unis ne dégagent toujours pas un accord sur cet objectif. La Grande-Bretagne s’est tellement approchée de l’idéal par la gratuité de tous les soins, qu’elle se contente d’une médecine minimale pour ménager le budget de l’Etat.

La Suisse dispose d’un excellent système de santé, démontrant, une fois de plus que l’absence de gouvernance – tous les échecs du Conseil fédéral – peut représenter un avantage. Dans cette pagaille organisée, la richesse du pays compense le manque de discernement. En dépensant 11% de son PIB (élevé) en médecine, la Suisse atteint à peu de choses près le record mondial d’espérance de vie, soit 83 ans. Ne serait-ce pas en définitive le seul critère qui vaille. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, on meurt plus tôt qu’en Suisse. C’est une autre réalité.

La surconsommation helvétique de soins est une évidence, mais elle assure que toutes les affections sérieuses seront prises en compte. Tout rationnement des soins, que ce soit par des incitations financières, par le moratoire sur l’ouverture de cabinets ou par le numerus clausus pour les étudiants en médecine, entraîne à la marge le sacrifice de certains patients. Or une maladie tardivement ou non soignée, coûte très cher.

Il n’y a donc pas de solution à cette quadrature du cercle (qui est soit dit en passant un problème mathématique dont on a prouvé qu’il n’a pas de solution). Nous dépenserons de plus en plus, à proportion des progrès de la médecine et de leur résultat inévitable, la prolongation de la vie et l’existence de gens de plus en plus âgés.

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