Une chronique politique sans parti pris

Confiance renouvelée au peuple

Cette fois-ci, le peuple a eu raison, car il a voté comme le Conseil fédéral, le parlement et la plupart des partis le souhaitaient. Les autorités renouvellent leur confiance au peuple et ne veulent pas en changer. Cela n’a pas toujours été le cas. Combien de fois la votation populaire a contredit les institutions au point d’ébranler celles-ci ! De les irriter et de les décourager ! Car ce n’est pas rien d’élaborer une politique, de la condenser dans des textes compliqués, ménageant la chèvre et le chou, de les faire voter par deux chambres soucieuses d’affirmer leur indépendance et leur autonomie et puis de se faire désavouer. A quoi sert-il de se faire élire, de remplir ses fonctions et de se voir ensuite publiquement censurer ?

L’art de la politique en Suisse consiste donc à anticiper la volonté du peuple, à prévenir ses caprices et à prendre en compte ses préjugés. C’est une situation analogue à celle d’une dictature où les ministres ne sont que les marionnettes d’un individu tout puissant, versatile, imprévisible. Sauf qu’ici cet individu est une foule, encore plus versatile et imprévisible qu’une seule personne. Le résultat d’une votation dépendra d’une foule de facteurs, les remous de l’actualité, l’investissement financier des initiants et celui des opposants, la verve des rédacteurs de slogan, le penchant des médias. En Suisse, il ne s’agit donc pas de définir la meilleure politique au sens de l’intérêt public, mais celle qui plaira le plus ou qui ne déplaira pas trop.

On peut donc louer le peuple de sa clairvoyance provisoire. On doit surtout admirer les conseillers fédéraux qui ont su deviner ses inclinations. Et on doit bien se garder de poursuivre les débats amorcés car certains étaient funestes : en particulier celui qui consistait à taxer plus ceux qui travaillent pour subventionner davantage ceux qui ne travaillent pas ; ou encore encourager la circulation routière au détriment des transports publics. En sens inverse, revenir sur le DPI est dangereux car des cinq objets, c’est celui qui a le pourcentage de vote le moins favorable. Même s’il est confortable, il reste que plus d’un tiers des votants s’opposent à une loi encore minimaliste dans ce domaine. Ils témoignent d’une ignorance radicale de la biologie et d’une méfiance maladive à l’égard de la médecine. Ils errent dans les ténèbres de l’animisme primitif où la procréation résulte d’un décret divin qu’il est téméraire de violer.

On ne gâchera pas davantage son plaisir en regrettant que le peuple ne soit pas unanime dans le sens des Lumières. Ce soir, félicitons le pour une majorité raisonnable. Nous renouvelons donc notre confiance au peuple et nous ne lui retirerons pas ce pouvoir absolu, qui a du charme lorsqu’il est le fait d’un despote éclairé.

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