Une chronique politique sans parti pris

Chassez le religieux, il revient au galop.

Chassez le religieux, il revient au galop. En positif ou en négatif. Le maître de la Turquie, l’aimable Erdogan, a tenu un discours, que le Vatican n’eût pas récusé, en enseignant qu’une famille musulmane devait s’abstenir de moyens contraceptifs. Le maître de la France, le gentil Valls, s’est insurgé contre la prétention de Tariq Ramadan de viser une naturalisation de Français, tant il redoute qu’un leader crédible de la communauté musulmane vienne compliquer le jeu infernal de la politique hexagonale. De même, le clairvoyant Addor, tête pensante de l’UDC valaisanne, s’est offusqué qu’un imam ait béni le tunnel du Gothard en compagnie d’un rabbin, d’un pasteur, d’un prêtre et d’un athée, parce que l’islam est une religion politique, ce que le christianisme n’a évidemment jamais été. Enfin, les assermentations d’autorités communales dans les lieux de culte soulèvent l’opposition de maints élus vaudois, dont on connait l’ouverture d’esprit.

La laïcité se décline donc sur des modes différents selon les religions. L’islam pose un problème dans la mesure, où les mosquées sont plus fréquentées que les temples ou les églises, où les fidèles acceptent de jeûner pendant un mois par an, où ils vont jusqu’à prier cinq fois par jour. Les musulmans auraient le seul tort de prendre leur religion plus au sérieux que les chrétiens, divisés entre des croyants non pratiquants, qui ne veulent plus s’ennuyer durant les offices, et des pratiquants incroyants, qui subissent encore la pression sociale et familiale. En un mot, la laïcité proclame qu’il n’y a plus de religion d’Etat pourvu qu’il y ait une religion de l’Etat, sacralisé, dispensateur de tous les bienfaits, origine de toutes les normes, supérieure en tant que religion à toutes les religions établies, qui peuvent être tolérées sans plus. A ce titre, l’Etat de Genève parmi d’autres n’accepte pas dans la fonction publique le foulard islamique car l’administration doit être neutre. Une religion est tolérable pourvu qu’elle ne se dévoile pas. Logiquement, il faudra donc interdire aux fonctionnaires genevoises le port d’un collier affichant une croix ou une étoile de David. On est curieux de voir si cela adviendra.

Les Etats contemporains assurent tous les besoins : ils nourrissent, soignent, enseignent, logent, organisent la mobilité et la sécurité. Le citoyen est chouchouté du berceau à la tombe. Il ne peut manquer de rien d’essentiel. Mais il se fait que l’être humain a, le plus souvent, besoin d’autre chose, difficilement définissable : de transcendance, de grâce, de sens, de bénédiction, d’explication de la vie et de la mort. Pour certaines personnes, ce besoin est essentiel et passe avant tous les autres. S’il n’est pas satisfait, s’il est entravé dans son expression, il engendre une frustration, périlleuse pour l’ordre public. La dernière guerre civile en Suisse fut une guerre de religion. En Orient, le conflit est triangulaire entre les trois religions monothéistes.

Pas de paix entre les peuples sans paix entre les religions. Pas de paix civile dans un pays sans véritable paix entre l’Etat et les religions. Toutes les religions.

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