Une chronique politique sans parti pris

Gay, gay marions-nous!

Le statut du mariage n’est pas inscrit dans une loi naturelle, valable en tout temps et tout lieu. Longtemps le mariage religieux fut la seule institution tandis que les conventions financières étaient réglées devant notaire. Le mariage civil fut introduit en France en 1792 dans le sillage de la Révolution et s’étendit ensuite à quelques pays développés. Son but initial était de supprimer le monopole du mariage religieux dans le but de remplacer la religion d’Etat par la religion de l’Etat sacralisé. Mais le mariage civil n’a été introduit au Canada qu’en 1973. Au Royaume-Uni, en Irlande et en Pologne, le mariage peut être célébré par un ministre du culte qui officie également comme un officier d’état civil. Au Moyen-Orient musulman comme en Israël, le mariage religieux est la règle.

Le mariage civil en Suisse est donc une institution spécifique, qui n’est pas sans ambiguïté. Un mariage peut comporter trois volets : un engagement moral de fidélité, d’assistance mutuelle et de durabilité ; un contrat juridique enregistrant l’apport et le partage des biens; un statut fiscal et social défini par l’Etat. Actuellement en Suisse, trois instances peuvent entrer en jeu : une Eglise, un notaire et un officier d’état civil de la commune. Certains peuvent se satisfaire de la troisième instance, l’Etat. La question porte sur la compétence de ce dernier : un, deux ou trois volets

Dans le débat passionnel sur l’initiative du PDC, on mélange deux volets. La revendication porte uniquement sur le statut fiscal et la retraite, c’est-à-dire le troisième volet. Elle demande l’égalité constitutionnelle sur ce plan entre d’une part les couples constitués, que ce soit par le mariage ou par le partenariat enregistré, et d’autre part les concubins. C’est vouloir simplement l’égalité de traitement financier et ne pas fragiliser l’institution des couples qui consentent à s’enregistrer. C’est ne pas pousser des couples constitués à se séparer à la retraite parce que leur statut diminue leurs pensions. Refuser l’initiative du PDC revient à prétériter les partenaires homosexuels enregistrés par rapport à ceux qui ne le sont pas.

Les opposants à l’initiative s’insurgent contre la définition d’un mariage civil restreint aux couples hétérosexuels. Ils se situent donc sur un autre plan, celui du premier volet. Mais en quoi l’Etat a-t-il vocation de sacraliser dans une cérémonie dérisoire une convention de fidélité entre deux citoyens? Dans cette confusion des plans, il apparait que le « mariage civil » est considéré comme un succédané de son prédécesseur, le mariage religieux. Un partenariat enregistré entre homosexuels ne vaut pas, à leurs yeux, un mariage civil, alors qu’il donne à ce couple de même sexe des droits analogues à ceux du mariage. La loi sur l’adoption est même en passe d’être modifiée pour accorder aussi le droit à l’adoption. Mais à leurs yeux, il manque toujours la cérémonie devant un représentant de l’Etat.

Dès lors ouvrir le mariage civil à tous a surtout une portée symbolique. C’est admettre les homosexuels comme citoyens jouissant des mêmes droits que tous, c’est leur accorder une pleine reconnaissance sociale. Faut-il en faire un « débat de société » pour autant comme s’il s’agissait d’une question existentielle ? Pourquoi la majorité des citoyens suisses, munis d’un instinct particulier, voudraient-ils brimer la minorité jouissant naturellement d’un instinct différent ? Le mariage pour tous sera accordé tôt ou tard en votation populaire, mais cette victoire sera dérisoire. Le symbole du mariage civil ne passionne plus que ceux qui en sont écartés : les homosexuels et les prêtres catholiques. En somme le mariage est comme une ville assiégée : ceux qui sont dedans voudraient être dehors et vice versa.

Il serait logique de supprimer la cérémonie du mariage civil devant un représentant de la commune et de la remplacer par l’obligation de passer devant un notaire pour régler les problèmes de patrimoine. Cet officier public peut établir un acte authentique, valant accord entre les époux hétéro ou homosexuels, sans se prendre pour le ministre d’une espèce de culte laïque. Soit dit en passant le même statut pourrait être alors étendu à toutes les communautés d’intérêt entre adultes : par exemple frères et sœurs célibataires gérant ensemble une entreprise, communautés religieuses.

Mais la passion est sourde à la logique. On va donc continuer à se disputer dans la confusion la plus totale.

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