Une chronique politique sans parti pris

Un cas de régression parlementaire

La commission Science, Education, Culture du Conseil national vient de défaire la semaine passée ce qu’elle avait construit voici deux ans. L’initiative parlementaire pour le don d’ovule, introduite par le signataire de ces lignes, avait été acceptée par la commission dans sa composition de la précédente législature, ainsi que par la commission sœur du Conseil des Etats. Chaque fois de justesse à vrai dire. Elle est maintenant classée par la nouvelle commission.

Selon une bizarrerie législative spécifique à la Suisse, le don de sperme y est autorisé et celui d’ovule interdit, dans la loi sur la procréation médicalement assistée. Quand on remonte au message qui justifie cette dissymétrie entre les gamètes masculins et féminins, on trouve cette perle juridique : si l’on acceptait le don d’ovule, un enfant aurait deux mères biologiques, celle dont il a hérité du génome et celle qui l’a porté. En d’autres mots, une mère est plus mère qu’un père n’est père. Ou étonnamment, le génome paternel n’a qu’une importance secondaire. Inutile d’ajouter que ce qui est interdit en Suisse est autorisé dans les pays voisins et qu’il suffit donc de franchir la frontière pour s’affranchir d’une loi non seulement désuète mais carrément obscurantiste. Il faut donc avoir les moyens intellectuels et financiers pour n’être pas asservi à ce diktat bernois. C'est un autre exemple d'une médecine à deux vitesse : celle pour les élites qui sont libres et celle pour le bas peuple qui est asservi à une loi archaïque.

Pendant deux ans, après l’acceptation de l’initiative parlementaire, l’administration a trainé les pieds et n’a pas proposé les modifications nécessaires de la loi existante. Cependant le vent a tourné. Le peuple a élu en octobre un parlement avec majorité de droite. En plus des infléchissements classiques sur le budget, cette droitisation entrainera une attitude générale de fermeture. L’initiative sur le don d’ovule a été classée sous le prétexte qu'une initiative parlementaire n’est pas un instrument adéquat pour modifier une loi. Bref, on a fait une querelle de procédure pour dissimuler un procès d’intention.

Selon la fraction conservatrice du parlement et du peuple, la procréation médicalement assistée est tout simplement une horreur. Seul le processus naturel est qualifié pour engendrer. Toute intervention médicale est une violation de la dignité de la mère et de l’enfant. Parlons net : c’est un péché !

Or la loi suisse autorise le don de cellules (sang, sperme, moelle osseuse) et même d’organes entiers entre vivants (rein). L’interdiction du don d’ovule relève donc de l’ignorance, du préjugé et de l’incohérence juridique. Elle s’inscrit dans une démarche générale de méfiance à l’égard de la médecine, de la technique et du progrès scientifique. Mais si c'est le peuple qui le veut, il a toujours raison et nous avons toujours tort.

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