Une chronique politique sans parti pris

Le célibat ecclésiastique, prouesse ou piège ?

La publication du rapport sur l’institut Marini de Montet fait honneur à l’Eglise catholique qui eut le courage de reconnaître ses fautes et d’en demander pardon. Néanmoins cette méritoire initiative laisse supposer que d’autres abus ont été commis en d’autres lieux, sur une échelle plus grande que ce que l’on supposait jusqu’à présent, limitée à quelques cas isolés dans les paroisses. A moins de présumer que la Suisse soit un havre de vertu, le phénomène y fut sans doute aussi répandu qu’en Irlande (3000 cas), en Belgique (600 plaintes) ou aux Etats-Unis (17000 victimes). Il faudrait enquêter et rédiger un rapport qui vise l’exhaustivité et qui permette de régler définitivement les comptes.

En particulier, ces comptes comporteront un volet financier. Les victimes ont subi non seulement un préjudice moral et spirituel, mais aussi matériel. Brisés pour la vie, ils eurent de la peine à s’insérer dans la société et à exercer une profession. Certains ont recouru à une assistance psychologique. Les tribunaux civils ne peuvent pas toujours allouer de dommages à cause de la prescription. Ce ne peut l’être que par une démarche volontaire de la part de l’Eglise. Effectivement des rencontres ont eu lieu au parlement fédéral pour tenter de mettre sur pied une convention. Celle-ci s’oriente vers une indemnité forfaitaire, limitée à dix ou vingt mille francs. L’indemnisation du dommage réel est exclue. Aux Etats-Unis, où l’on juge le préjudice subi, le total des indemnités déjà versées s’est élevé à trois milliards.

Il reste que l’origine de ces abus mérite aussi un examen sérieux. Certes la pédophilie et les violences en général se déroulent bien souvent au sein de familles, qui en gardent le secret. Mais leur apparition dans des institutions caritatives chrétiennes, fondées pour pallier la défaillance des familles, est plus que paradoxale. Dans quelle mesure le célibat ecclésiastique a-t-il pu être un facteur aggravant ? La sexualité est une pulsion puissante, indispensable à la perpétuation de l’espèce, dont on ne se prive pas sans courir des risques. Un homme, même s’il renonce volontairement à son exercice habituel, court-il de ce fait des risques de déviance ? Les interlocuteurs ecclésiastiques le nient catégoriquement. Mais ne vaudrait-il pas la peine de rechercher une réponse objective ? La même épidémie criminelle a-t-elle frappé les pasteurs mariés ? Serait-ce indécent de poser la question ?

En élargissant encore la problématique, l’Eglise catholique en Suisse est une institution qui exige le célibat de ses ministres. Or, ils sont aussi des employés avec – on peut l’espérer du moins – un contrat de travail. Quelle entreprise suisse pourrait réserver certaines fonctions exclusivement à des hommes en leur interdisant de se marier, sans susciter un scandale et une condamnation ? Est-ce bien conforme au droit du travail, même si la tradition est immémoriale ? Une institution, pratiquant une discrimination à l’embauche, peut-elle être subsidiée par les pouvoirs publics ?

L’amère franchise de l’Eglise catholique a constitué, pour la masse de ses fidèles, à la fois un soulagement et une inquiétude. Reconnaître ses torts grandit un individu ou une institution. Mais le but est de progresser. Un peu de transparence a été acquise, il en faut davantage. Un jour, tôt ou tard, les ministres du culte catholique seront, comme les réformés, des hommes et des femmes, mariés ou non selon leur vocation personnelle. Cela palliera la carence actuelle de vocations. Il serait beau que cette démarche trouve son origine en Suisse dans un dialogue avec la société civile, dans le respect de ses lois.

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