Une chronique politique sans parti pris

L’Etat de non droit

L’UDC compte en son sein toutes sortes de gens, qui se regroupent légitimement pour la défense des valeurs de droite, mais qui réussissent aux élections en prônant tout autre chose, la xénophobie, l’intolérance et le chauvinisme. Comme les partis bien éduqués refusent de prendre en compte ces tendances lourdes de l’électorat populaire, l’UDC a le champ libre. Evidemment, cela lui pose certains problèmes de fonds, par exemple avec le droit.

Hans-Ueli Vogt, professeur de droit à l’université de Zürich, a repéré un tel conflit dans l’initiative UDC pour le renvoi des étrangers criminels. Celle-ci annule une loi d’application en cours d’élaboration par le parlement et elle abroge toute marge d’appréciation pour les tribunaux, sans parler d’infraction au droit international. En un mot, le peuple souverain se comporte comme un despote de droit divin, décide parce que tel est son bon plaisir, enfreint la séparation des pouvoirs et annihile les corps constitués. Le professeur Vogt ne parvient pas à enseigner les principes du droit à Zürich et à les violer à Berne. Une heure de train ne suffit pas à changer sa mentalité et à abolir ses réflexes professionnels. Que seraient ses cours si les étudiants s’insurgeaient contre son enseignement et rédigeaient à sa place un cours selon leur fantaisie.

Tel est le paradoxe vécu par un scientifique tombé en politique. Il a été formé pour rechercher une description de la réalité telle qu’elle est, indépendamment de nos idées préconçues, de nos fantasmes et de nos obsessions. Il est considéré comme un expert dans la mesure où il réussit à s’abstraire des préjugés communs et à se prononcer au plus près de sa conscience et de ses connaissances. C’est sa fonction sociale. Sinon, il ne sert à rien. Dans une dictature stalinienne, hitlérienne ou islamiste, le savant est soit à la botte du pouvoir, servant de caution à l’Etat de non-droit, soit en prison ou pire.

Il est donc essentiel que le parlement suisse comporte en son sein quelques spécialistes du droit, de la médecine, de la technique. On les remarque tout de suite car ils ne votent pas sur certains sujets selon les consignes du parti. Dès lors leur influence au sein des instances politiciennes est réduite à néant. Par métier, ils perçoivent certains faits avant tout le monde, avant que les médias en aient parlé, avant qu’ils fassent partie du politiquement correct, avant que tous leurs collègues ressassent des évidences. Ils pourraient avoir une fonction d’éclairage en politique, mais ils ne l’ont pas.

Comme l’a dit Coluche : « Un bon discours politique ne doit émettre que des idées avec lesquelles tout le monde est déjà d'accord avant!». Dans les commissions de notre parlement, on place les spécialistes là où ils ne risquent pas de manifester leurs compétences, l’ingénieur aux relations internationales et le juriste aux télécommunications. Cela explique pourquoi les défis les plus graves (la santé, l’Europe, les transports, la transition climatique, les réfugiés) sont toujours remis au lendemain. Quand un gouvernement va dans le mur, il klaxonne jusqu’à l’impact.

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