Une chronique politique sans parti pris

Quand l’artiste est nu

J’ai reçu le programme des activités du Théâtre de Vidy Lausanne, par ailleurs largement soutenu par les deniers publics : je n’ai plus pris d’abonnement cette année et la couverture du programme me confirme dans ma résolution de ne plus y mettre les pieds.

Cette couverture représente un jeune homme nu, en train de se badigeonner de peinture blanche au moyen d’un rouleau. Elle n’a du reste rien à voir avec un spectacle à Vidy mais avec une exposition (de quoi ?) en Ile de France. Le directeur de Vidy l’a choisie pour bien marquer l’aspect créatif de ses salles. On se garde bien d’y jouer quelques vieux classiques démodés comme Molière ou Racine. On y organise des sortes de happenings qui n’ont avec le théâtre qu’un très lointain rapport.

A titre d’exemple, le dernier spectacle auquel j’ai été soumis avait pour titre « King Lear » pour lequel je pris une réservation. J’ai quelque faiblesse pour Shakespeare même s’il n’intéresse plus les théâtreux d’aujourd’hui. Effectivement, il s’agissait d’une adaptation extrême en ouzbèque, une langue appartenant au groupe des langues turques de la famille des langues altaïques. Elle comprenait un seul acteur éructant dans ce patois. Heureusement il y avait un sous-titrage en français de lambeaux du texte anglais original. Cela a duré une heure d’un ennui profond. Seule attraction : le spectacle était agrémenté d’un effeuillage du comédien (ouzbèque) qui terminait à peu près nu. A peu près car il était impossible de le vérifier dans la pénombre qui rendait la scène peu visible. Ce qui valait mieux. Personne n’a osé quitter avant la fin par pitié pour l’artiste. En sortant, la moitié des commentaires étaient exaspérés, l’autre moitié affichait une incompréhension qui se voulait coupable : faute de formation à l’art contemporain, ils n’avaient pas compris le message profond de cette avancée culturelle, ce pont sublime jeté entre Vaud et l’Asir centrale.

Dans le même style, le musée cantonal d’art, sis provisoirement à la Riponne, organisa une exposition de salles vides qui ne fut fréquentée que par très peu de monde. Je viens aussi de recevoir le Kunstbulletin édité à Zürich qui étale sur 150 pages des installations, des monochromes, des portraits d’artistes béatement satisfaits et de très long commentaires pour expliquer aux ignares pourquoi les artistes s’abstiennent désormais de peindre ou de sculpter. Tout simplement parce qu’ils en sont incapables.

L’art contemporain, comme ses prédécesseurs, exprime le sens de l’époque. Comme celle-ci n’en a pas, c’est l’art du non-sens. Mais une fois que l’on a compris qu’il n’y a rien à comprendre, on peut s’en abstenir sans complexe.

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