Une chronique politique sans parti pris

L’insupportable fardeau des religions dévoyées

Face aux attentats de Paris, on doit affirmer sa solidarité, prononcer son horreur et se joindre au deuil. Mais au-delà de ces réactions immédiates, il faut tenter de comprendre, de déchiffrer, de prévoir ce qui se passe.

Certes, la France est attaquée d’abord parce qu’elle participe au conflit syrien en frappant Daech, ce fantôme de califat islamique qui a vocation de s’infiltrer dans tout le monde musulman. En répandant la terreur dans la métropole, le groupe islamiste vise à exercer une pression sur l’opinion publique et le gouvernement, afin d’obtenir le désengagement de la France. Pour cela il estime légitime, voire prescrit par sa croyance, de massacrer des civils sans distinction.Tous les Français et les touristes parisiens sont considérés comme complices et donc coupables de la guerre menée par l’Occident contre cet Orient, qui fut jadis baptisé "axe du mal" par la famille Bush, dynastie régnante d’un monde qui se prétend chrétien. Et donc on se retrouve aujourd’hui piégé dans une sinistre parodie des guerres de religion, qui n’est plus du tout menée comme jadis par deux partis de zélotes.

D’un côté, il y a un monde laïque, fondé sur l’incroyance ou sur le reliquat d’une foi vacillante, un monde dont la foi véritable est la mondialisation, la croissance, l’individualisme, le matérialisme. De l’autre, une caricature de religion prise en otage par sa frange intégriste, traditionnaliste, rétrograde. D’un côté, des individus pour lesquels la vie présente est le seul bien à préserver, la seule satisfaction à savourer dans un monde sans transcendance; de l’autre des fanatiques prêt à sacrifier leur vie terrestre jugée sans intérêt dans la perspective d’un paradis, qui serait le salaire du massacre des infidèles.

Pour commencer à comprendre, il faut se souvenir que l’Occident débile d’aujourd’hui fut, lui aussi, jadis un peuple de barbares conquérants, pires que les islamistes d’aujourd’hui. La prise de Jérusalem le 15 juillet 1099 par la première croisade sous le commandement de Godefroy de Bouillon se termina par le massacre systématique de la population civile, juifs et musulmans, tandis que la reprise de Jérusalem par l’armée de Saladin le 2 octobre 1187 se termina par un sauf conduit accordé aux chrétiens. On pourrait continuer à énumérer toutes les agressions, les colonisations, les humiliations de l’Islam par l’Occident. C’est cette histoire qui trouve aujourd’hui sa conclusion dans une revanche, certes aveugle mais aussi inévitable.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Par principe il n'y a pas de paix entre les peuples sans paix entre les religions. Les responsables de ces institutions sont donc les mieux placés pour dénouer ce nœud de vipères. L’évolution historique leur demande de renoncer à leurs prétentions absurdes : chaque confession revendique le monopole d’une foi authentique, qui serait la seule véritable voie de communication avec Dieu. Or, toutes les religions partent d’une même aspiration à la transcendance, même si elles empruntent des chemins différents déterminés par l’environnement social, économique, culturel. Toutes témoignent également de l’essentiel, tout en le trahissant de manières différentes. Dans la mesure où l’une exclut les autres, elle s’exclut elle-même. L’imam pousse-au-crime est le décalque violent du cardinal romain, qui se prélasse dans un appartement de 500 mètres carrés.

Au fond, nous sommes confrontés à une trahison massive des clergés, qui ne trouvent rien à dire que des jérémiades face au résultat de leurs démarches historiques. S’ils persistent dans cette infidélité universelle, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, ils détruisent jusqu’au concept même de religion.

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