Une chronique politique sans parti pris

Le non-dit, tournure extrême de la langue de bois

Réussir en politique dépend du nombre de voix que l’on collecte. En sens inverse, cela dépend du nombre de ceux que l’on fâche. L’outil rhétorique pour draguer aussi large que possible consiste à utiliser la langue de bois, une formulation tellement abstraite qu’elle se prête à toutes les interprétations. En enveloppant une absence de pensée dans un discours opaque on le rend sinon attrayant, du moins non repoussant. Exemple : même si on a voté contre les crèches et contre la pérennité des pensions, rien n’empêche de se gargariser de la « solidarité intergénérationnelle »

Si on réussit en disant le moins possible, le plus simple est encore de ne rien dire du tout. La campagne électorale actuelle est particulièrement molle et inintéressante parce que le non-dit fait rage. Nous sommes confrontés à des défis redoutables pour lesquels il n’existe pas de solution simple sinon au sens du slogan simpliste utilisé par l’UDC qui convainc un bon quart de la population dans la mesure où elle est illettrée. Tous nos problèmes seraient évacués si nous étions seuls au monde, barricadés derrière des barbelés à la hongroise derrière lesquels notre armée de milice, la meilleure du monde, pourrait faire usage de ses armes pour dissuader ceux qui s’efforeceraient tout de même de passer.

Les autres partis sont bien empruntés. Ils ne peuvent parler ni d’une adhésion à l’Europe, ni d’une votation pour annuler celle sur la libre circulation, ni de l’accueil des réfugiés, ni du coût de l’assurance-maladie, ni du déficit de l’AVS, ni du franc fort. En revanche, la formation, la famille, la sécurité, les trains bondés, le coût du logement sont autant de plages à lieux communs, sur lesquels tout le monde abonde dans le même sens et ne fait rien en pratique. Comment espère-t-on intéresser l’électeur avec ce ronron ? On recrute le plus grand parti de Suisse, celui des abstentionnistes.

Ils sont indifférents à la réussite d’un parti plutôt qu’un autre pour la simple raison que tous les partis sont au gouvernement. Celui-ci n’a donc ni chef, ni programme, ni équipe soudée, ni majorité. Il est élu pour ne pas prendre d’initiative. La Suisse est une acratie, un pays où personne n’a le pouvoir. Et cela marche tout seul.

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