Une chronique politique sans parti pris

Où est passée la souveraineté nationale ?

Il y a un siècle à peine, chaque pays gérait ses petites affaires en toute sérénité. Il battait monnaie et dévaluait quand il le devait, décidait souverainement de ses impôts et de son budget, levait sa petite armée de fantassins équipés de fusils désuets, organisait son défilé de fête nationale, chantait son hymne patriotique, distribuait des décorations et laissait le reste du monde en faire de même. Chacun était maître chez soi, pour le meilleur et pour le pire.

Deux guerres mondiales et plusieurs révolutions techniques plus tard, il ne reste de la souveraineté nationale qu’un beau souvenir figé dans un déni de réalité. Quelques grandes puissances ont encore pour elles la force d’imposer aux autres leurs volontés. Mais pour un pays ordinaire, la souveraineté s’effiloche. La plus belle démonstration se déroule maintenant avec la Grèce. Pour ne pas tomber en faillite, elle doit accepter de réviser sa législation de fond en comble, au pas de charge et en contredisant la volonté d’une consultation populaire. La fiscalité, la sécurité sociale, la fonction publique seront ce que la France et l’Allemagne ont décidé : le parlement local, le plus vieux du monde doit voter selon les ordres de l’étranger. Et au trot..

C’est renversant comme découverte spectaculaire, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Car en même temps l’Iran doit accepter de limiter le nombre de ses centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium. Et Les Etats-Unis bombardent de temps à autre la Syrie et l’Irak tandis que la France maintient en place les régimes corrompus de ses séides africains.

Et même la Suisse, malgré son repli frileux sur elle-même n’échappe à cet alignement. Le secret bancaire et la fiscalité des entreprises furent levés sans que le parlement fédéral puisse s’y opposer. Les Etats-Unis imposent des amendes aux banques suisses, moins comme sanction pour leurs délits, que par une habitude ancestrale, celle de lever des tributs sur les pays sujets. La formation et la recherche dépendent d’une organisation internationale complètement informelle, celle des universités de haut niveau. La Suisse a dû se ranger à la définition du master et du bachelor par la Déclaration de Bologne qui n’eut même pas la pudeur de traduire ces termes dans d’autres langues que l’anglais. La suppression instantanée d’Erasmus et d’Horizon 2020 ont constitué des sanctions immédiates de la votation populaire du 9 février 2014. Et en rentrant dans le détail du travail législatif à Berne on découvrirait une contrainte universelle : l’obligation d’être eurocompatible.

On conçoit que les peuples rechignent et qu’ils réservent de belles victoires électorales à l’UDC, à Podemos, au Front National, au Vlaamse Belang et Syriza. Autant de partis d’opposition au système qui se révèlent incapables de le changer quand ils accèdent au pouvoir. La souveraineté nationale fut un concept utile pendant quelques siècles : il est devenu archaïque, périmé et funeste. La gestion du climat, condition de la survie de l’espèce, est une cause planétaire et le CO2 ne s’arrête pas aux frontières. L'homme est ce que la technique fait de lui et la technique est ce que l'homme en fait. Nous avons sans le savoir décidé d'abolir le concept d'Etat-Nation.

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