Ainsi le Conseil fédéral désignera un super négociateur pour avancer nos affaires à Bruxelles. Or celles-ci traînent parce que l’UE n’entend pas renoncer à la libre circulation. Quel que soit le négociateur suisse, la position européenne ne changera pas. L’annonce fracassante du CF se résume à une opération de communication interne au pays, pour démontrer que tout a été fait, qu’aucun effort n’a été négligé. C’est de bonne guerre.
Mais songe-t-on parfois au destin de ces négociateurs, ordinaires ou extraordinaires ? Leur tâche est de feindre de croire qu’il subsisterait une solution, alors que leurs interlocuteurs savent qu’il n’en existe pas et savent que les Suisses le savent. Cela doit faire de drôles de scènes de vaudeville. On le suspecte à Bruxelles où l’on plaint les pauvres négociateurs helvétiques et où l’on commence à se poser sérieusement des questions à leur sujet.
Car le même mercredi 24 juin, la Confédération recevait à Berne une délégation des collaborateurs de l’UE qui s’occupent de l’AELE dont la Suisse fait partie. Dans des conversations en tête à tête durant la réception, ces personnes, pourtant éduquées dans le sérail diplomatique, en sont venus à émettre des suppositions osées sur nos chers négociateurs. Seraient-ils sourds et non appareillés ? Comprennent-ils ou non des langues chrétiennes comme le français ou l’anglais ? Seraient-ils tout simplement bêtes ? Ou bien sont-ils à ce point de bons comédiens qu’ils parviennent à jouer le rôle de l’ahuri de service ?
Il faudra donc que le super négociateur soit choisi en fonction de ce rôle de composition. Inutile de sélectionner un excellent diplomate rompu à la négociation, polyglotte, intelligent. Il faudra au contraire découvrir un haut fonctionnaire qui ait l’oreille dure, ou bien qui ne parle que le dialecte alémanique, ou bien qui ait l’air plus bête qu’il n’est, ou bien qui soit un comédien de profession. Cela doit se trouver.
Cette diplomatie vaudevillesque se conforme bassement à la volonté du peuple, le souverain helvétique. Elle traduit l’effroi du Conseil fédéral à l’idée de revenir devant ce despote fantasque et de lui demander clairement s’il désire renoncer aux relations bilatérales. On reproduit de la sorte les relations de domination, qui existaient jadis entre des monarques de droit divin et leurs ministres, chargés de gérer les caprices des autocrates. Quand on explique cela aux invités de la réception du 24 juin, ils ne peuvent dissimuler une moue de commisération. Ils croyaient visiter un pays heureux, ils le découvrent en état de schizophrénie.
Sur le même sujet ne manquez pas l'opinion non moins féroce de François Cherix.
