Une chronique politique sans parti pris

En politique la quadrature du cercle n’est pas ce qu’elle est en mathématique.

Revenant de Bruxelles après sa rencontre avec le président Juncker, Simonetta Sommaruga annonça que la négociation sur l’article 121 a de notre Constitution, relatif à l’immigration de masse, s’avérait la « quadrature du cercle » car la Constitution suisse n’est pas compatible avec le principe de la libre circulation de l’UE. La question est de savoir ce qu’elle entend exactement par « quadrature du cercle ». C’est une image, qui associe un terme à un autre, afin de traduire une pensée plus complexe que celle qu'exprimerait une phrase claire. L’opinion publique peut comprendre que cette négociation est difficile, mais qu’elle peut réussir à force de diplomatie. C’est entretenir l’ambiguïté.

Car ce que l’on appelle quadrature du cercle en mathématique est un problème classique, qui consiste à trouver un carré dont la superficie soit exactement équivalente à celle d’un cercle donné. Or, on sait maintenant qu’il faut multiplier le carré du rayon par un nombre appelé « pi » qui est transcendant. C’est-à-dire que sa valeur exacte n’est pas calculable. En d’autres mots, que le problème est insoluble, comme Ferdinand von Lindemann, un mathématicien allemand, parvint finalement à le démontrer en 1882. Depuis lors plus aucun mathématicien sérieux ne s’en occupe. La cause est entendue, il est inutile d’y revenir. On passe aux problèmes qui ont une solution.. 

Mais ce qui est la règle en science ne l’est pas en politique. On peut (:et parfois même on doit  ) perdre du temps à faindre de s’occuper de problèmes insolubles. Soit rarement  pour attendre que les conditions changent et qu’une solution soit alors possible. Soit plus souvent pour démontrer qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura jamais de solution. C’est le cas de figure auquel le Conseil fédéral est confronté. Il sait que la mission est impossible mais le peuple ne le sait pas encore. Il faut le lui démontrer en prenant le temps nécessaire. En échouant dans la négociation. En gagnant du temps à six mois des élections fédérales.

Mais le gagne-t-on ? En fait on le perd. Or le temps est la substance même de l’acte de gouverner. Perdre du temps, c’est aussi perdre un intervalle de liberté pour agir. Il eût été plus honnête de dire clairement que le problème est insoluble, que cela ne vaut même pas la peine d’envoyer des négociateurs à Bruxelles. Est-ce que la présidente de la Confédération, qui est une excellente pianiste et tout autant excellente politicienne mais pas mathématicienne, fut consciente de ce que signifiait "quadrature du cercle" ? Ou bien croit-elle que tout problème est toujours un tout petit peu soluble. Ou bien essaie-t-elle de le faire croire au peuple ignare?

A force de recourir au non-dit, à la langue de bois, au double langage, on accroit le chaos du monde. Dans un an, après les élections d’octobre, on se retrouvera face à la quadrature du cercle, avec encore moins de possibilité de manœuvre. De même on a proclamé trop longtemps que le secret bancaire n’était pas négociable pour arriver au point où il n’y avait effectivement plus rien à négocier.

Est-ce la faute du Conseil fédéral ? Manque-t-il de courage ? Ou bien témoigne-t-il d’un obscur instinct de conservation. En démocratie directe la survie politique passe par la crainte des gouvernants d’être désavoués par les gouvernés. C’est l’équivalent d’une monarchie absolue, où le roi est le souverain populaire, qui décide n’importe quoi parce que tel est son bon plaisir. En Suisse, on ne gouverne pas, on s'adapte au préjugé dominant.

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