Une chronique politique sans parti pris

Qui s’excuse, s’accuse

La mésaventure actuelle de la conseillère nationale Margret Kiener Nellen met en lumière une vérité bien cachée : les riches peuvent payer moins d'impôts que les citoyens ordinaires. Les premiers sont notoirement mieux instruits et branchés que la moyenne : ils peuvent recourir au conseil de fiscalistes, qui localisent les failles de la législation. Plus lourde est l’imposition, plus élevé est le montant que l’on peut consacrer à ces calculs. Au-delà d’un certain niveau, trop d’impôt tue l’impôt. Il faut donc démultiplier des taxes modérées portant à la fois sur le revenu, la consommation, le logement, la circulation, la fortune, les successions, le luxe, en observant toujours une grande pondération. Tout excès est contreproductif et devient donc inique, par un paradoxe que l'on veut ignorer.

La redistribution des revenus et des fortunes, prônée par la gauche, est un mythe dévastateur. Il ne conforte que la bonne opinion que le bobo entretient de lui-même. Le but de la fiscalité ne peut être que de financer les activités requises de l’Etat et surtout pas de jouer au justicier ou au bienfaiteur.

Margret Kiener Nellen a commis une erreur politique en s’excusant d’avoir agi en conformité avec la loi. Elle ne peut pas à la fois légiférer par sa fonction au parlement fédéral et prêcher contre l’optimisation fiscale. Celle-ci n'est ni un délit, ni une faute morale. Chacun doit observer la loi, toute la loi, mais surtout rien que la loi. Au-delà, la bienfaisance et le mécénat sont possibles. Mais il n'y a pas d'obligation morale à remplir une déclaration d'impôts qui soit maladroite au point de ne pas mentionner les déductions prévues. Celles-ci ne sont pas arbitraires mais répondent à une logique globale, celle d'éviter une double imposition.

Selon les articles 11 et 12 de la Déclaration des Droits de l’homme : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » Stigmatiser des citoyens qui n'ont commis aucun délit constitue une régression à l'époque des souverains de droit divin, qui pouvaient embastiller un récalcitrant parce que tel était leur bon plaisir. En Suisse, il n'y pas de roi mais il y a un souverain populaire, prompt à condamner des innocents sur la requête d'un journalisme de combat.

Les révélations insidieuses de la Weltwoche sur Margret Kiener Nellen la prennent au piège du discours moralisateur socialiste et confortent le mythe populiste d'un parlement pourri. Plutôt que de s’excuser à contretemps, mieux vaudrait que la conseillère nationale entame une action contre la Weltwoche devant la Cour de Strasbourg. .

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