Une chronique politique sans parti pris

Quand l’Eglise catholique commence à devenir une démocratie.

Il ne fallait tout de même pas s’imaginer qu’en deux semaines l’Eglise catholique abandonnerait des règles séculaires. Dès le IVe siècle,lorsque le christianisme devient religion d’Etat dans l’empire romain, l’homosexualité est réprimée avec violence par la peine capitale ou la castration, alors que dans l’Antiquité gréco-romaine elle était tolérée. Plus près de nous en 1952 encore en Angleterre, Alan Turing, un des fondateurs de l’informatique, est accusé d’homosexualité et a le choix entre la prison et la castration : il se suicide. Le sacrement du mariage religieux date de 1215.

Logiquement ces règles devaient encore recueillir lors du Synode d’octobre 2014 le soutien d’une  minorité d’évêques. Dans un an, un nouveau Synode apportera sans doute la majorité requise des deux tiers au changement sollicité par le pape François. Sinon, comme il est un monarque absolu, doté d’infaillibilité, il peut décider à lui seul. Et les traditionnalistes, disciplinés par nature, s’inclineront.

Cette inévitable péripétie d’octobre 2014 ne doit pas dissimuler la véritable révolution qu’a constitué l’enquête préliminaire au Synode. Les évêques suisses ont diffusé un sondage auprès des fidèles en Suisse, sur leurs expériences et critiques vis-à-vis de la pastorale de l'Eglise concernant la famille, le couple. Ce travail a été effectué de façon professionnelle par l’institut suisse de sociologie pastorale (SPI), un établissement de recherche soutenu par l’Eglise catholique de Suisse et localisé à St-Gall. Les résultats furent publiés le 4 février 2014. Ils sont clairement étayés par des données numériques et dégagent des majorités massives sur deux thèmes incontournables : tout d’abord, le vœu le plus instamment formulé envers l’Eglise en Suisse est celui d’abolir la pratique jugée discriminatoire et blessant la charité chrétienne à l’égard des divorcés remariés ; ensuite, les réponses relatives à l’homosexualité révèlent le désaccord connu de longue date entre la doctrine et les participants à la consultation.

Pour la première fois dans l’Eglise suisse, le peuple a été mis en position de s’exprimer sur des sujets sensibles, afin d’éclairer les évêques réunis au Synode d’octobre. Cette procédure reproduit la coutume politique en Suisse : ne légiférer qu’après avoir soigneusement consulté les intéressés, afin de ne pas risquer un désaveu ultérieur par une initiative populaire. En droit comme en morale, il ne sert à rien d’énoncer des règles réprouvées par le peuple, parce qu’elles resteront lettre morte et qu’elles affaibliront l’autorité de l’institution. Les Eglises devront bien finir par devenir, elles aussi, des démocraties, car ce mode de gouvernement a démontré sa pertinence.

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