Une chronique politique sans parti pris

Le chantage au développement

L'aide au développement est l'objet permanent d'attaques qui visent à conforter notre bonne conscience aux moindres frais. Deux tentations menacent la politique suisse de coopération et d’aide au développement : celle venant de la droite veut la subordonner à la réadmission par le pays d’origine des requérants d’asile déboutés par la Suisse ; celle de la gauche veut la faire dépendre de la protection des minorités nationales. En d’autres mots, la Suisse n'est prête à soutenir des pays en voie de développement, que dans la mesure où ils fonctionnent comme des pays développés : ils constituent des Etats de droit et ne connaissent pas de conflits ethniques ou religieux. Aidons ainsi ceux qui en ont le moins besoin parce que forcément ils nous envoient moins de requérants que ceux qui ont des problèmes insolubles. Aidons les pauvres vertueux dans la grande tradition des dames patronnesses versant quelques sous aux mendiants à la porte des églises.

Si un pays est en état de guerre civile comme la Syrie, l’Irak ou la Lybie, ou bien dans un état d’anarchie comme le Congo, la Somalie ou l’Erythrée, les requérants ont de bonnes raisons de s’enfuir et nous de ne pas les refouler. Mais ces pays ne connaissent ni la démocratie, ni l’Etat de droit, ni le respect des minorités, ni même un gouvernement qui maîtrise vraiment la situation. Et puisqu'ils sont, à notre estime, mal gouvernés, nous décidons de ne pas les aider à sortir de leur marasme économique, social et politique. Les gouvernés paieront l'incurie et la corruption des gouvernants.

C’est confondre la cause et l’effet. La cause est le sous-développement, l’effet est la misère qui pousse les plus vaillants à s’enfuir et les plus déshérités à s’entretuer. Pour contenir la marée des réfugiés, la seule solution à long terme est de développer l’économie des pays d’émigration. Personne ne s’exile de gaité de cœur. Tant que l’on a la possibilité de gagner sa vie et de ne pas la risquer dans un conflit, on n’a pas de raison de courir l’aventure d’une expatriation. L’aide au développement doit rester un don gratuit par solidarité et non l’opportunité d’exercer un chantage. La droite et la gauche se rejoignent dans le même irréalisme et le même aveuglement. C’est l’effet normal d’une approche idéologique, quelle qu’en soit la motivation. La dureté des uns et la naïveté des autres visent à refermer l'opinion publique sur son autosatisfaction.

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