Une chronique politique sans parti pris

La multipropriété des mandats parlementaires

Le signataire de ces lignes est l’objet d’une campagne de presse, visant à le faire promptement démissionner de ses deux mandats parlementaires. Cette thèse a été généralisée et couramment défendue dans les pages du quotidien 24Heures: un élu n’est pas le propriétaire exclusif de son siège, celui-ci appartient aussi au parti puisque celui-ci a prêté son infrastructure à l’élection. Autres considérations: l’élu n’est pas logé dans le district qui l’a élu au Grand Conseil; la différence avec le ou la vient-ensuite est faible; il a évoqué la possibilité de démissionner. Bref son siège est branlant pour de multiples et contradictoires raisons.

C’est la conception antidémocratique du parlement; l’élu est adoubé par le parti au départ, confirmé dans une élection de pure forme par une population docile aux mots d’ordre, manipulée par la propagande. Ensuite la poursuite de son mandat dépend de sa discipline partisane: suit-il toujours les mots d’ordre lors des votes? Défend-t-il servilement les thèses du parti dans les débats des médias? Renonce-t-il à son jugement et (ou) à sa conscience? En somme, un parlementaire conforme fait de la figuration intelligente. On ne lui demande que de pousser sur le bon bouton lors d’un vote électronique. Et la visée ultime est le parti unique qui évite les vains débats. Vers la fin de sa carrière, l’élu doit à la demande normalement donner une démission anticipée pour lancer son successeur avant les élections suivantes. Le parti est moralement fondé à l’exiger, même si la loi ne le prévoit pas. C’est la version civilisée du procédé polynésien de contrôle de la population par obligation de monter au cocotier pour les personnes âgées.

Comment un mandat peut-il être exercé correctement dans ce concept de copropriété? Qui possède en pratique le droit de décision: l’élu ou le parti? Quelle est la représentativité d’un parlement si seuls les partis y ont une légitimité? Quel type de parlementaire va-t-on recruter dans cette perspective minable? La démocratie représentative est un système fragile, toujours contesté, ouvertement ou secrètement. Pour ceux qui y croient, c’est un devoir strict de résister.

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