Une chronique politique sans parti pris

Une leçon de dialectique

«La Confédération a débloqué environ 150'000 francs pour payer les bourses d'étude d'officiers nord-coréens venus étudier la sécurité internationale à Genève, informe la RTS. Depuis 2011, huit fonctionnaires du régime communiste ont ainsi reçu une aide fédérale pour assister aux cours du Geneva Center for Security Policy.» Débat samedi soir sur Forum avec un collègue PS au Conseil national, avocat talentueux de son métier. Selon lui, il faut tout faire, y compris les payer, pour convertir les officiels d’une dictature à une vue plus ouverte des relations internationales. Selon moi, cela ne sert à rien car le régime communiste n’envoie à de tels cours que des éléments dont il est absolument sûr.

Ces officiers nord-coréens sont en service commandé et ont pour seul objectif de recueillir des informations utiles au régime. Certainement pas pour se convertir à la démocratie et aux Droits de l’homme. Le Département de la Défense qui prélève cet argent sur son budget fait preuve d’une naïveté incommensurable. Cependant, l’honneur d’un Etat de Droit est de faire défendre les accusés les plus abominables par un avocat. Celui-ci est tenu d’utiliser toutes les ressources de l’éloquence pour justifier l’injustifiable. Mon interlocuteur, avocat de métier, maîtrise donc l’art souverain de contourner les objections.

Je suis cependant sur un terrain solide: comment justifier que la Confédération subsidie les auxiliaires d’une dictature dangereuse pour la paix internationale? Mais je commets une faute de dialectique. Dans le débat, emporté par ma légitime indignation, je fis remarquer que les bourses attribuées aux Nord-Coréens dépassaient de loin celles octroyées par la Suisse aux étudiants suisses de nos universités. Fatale erreur d’argumentation! L’avocat PS des Nord-Coréens se précipita dans la brèche ouverte par ma maladresse.

Les bourses d’études pour les Suisses sont attribuées par le Département de l’Intérieur, celle des Nord-Coréens par le Département de la Défense. Ce sont deux budgets différents. Cela n'a donc rien à voir. J’ai réussi encore à glisser timidement que, dans les deux cas, c’est toujours notre argent, à nous les contribuables. Mais j’étais battu par un sophisme imparable. Ce que j’apprécie le plus dans ma fonction de parlementaire, c’est la formation qu’elle constitue. J’ai appris ce soir-là un principe élémentaire de dialectique: toujours répondre aux questions les plus embarrassantes en répliquant au besoin n’importe quoi. Le fond n’a pas d’importance, la forme seule emporte l’adhésion.

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